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Conclusions juridiques sur l'exploitation de plateformes Internet liées aux services de transport sur la base de l'affaire Star Taxi

Conclusions juridiques sur l'exploitation de plateformes Internet liées aux services de transport sur la base de l'affaire Star Taxi

Leo Besutti
par 
Leo Besutti
102 minutes de lecture
Tendances
Février 02, 2025

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 3 décembre 2020 Star Taxi App SRL / Unitatea Administrativ Teritorială Municipiul Bucureşti prin Primar General et Consiliul General al Municipiului Bucureşti.
Demande de décision préjudicielle du Tribunalul Bucureşti.
Affaire C-62/19

AVIS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL SZPUNAR

https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=1B1ECA1D19F674B9B5A28F3FFB93686C?text=&docid=230875&pageIndex=0&doclang=en&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=27754592

livrée le 10 septembre 2020 (1)

Affaire C-62/19

Star Taxi App SRL

v

Unitatea Administrativ Teritorială Municipiul Bucureşti prin Primar General,

Consiliul General al Municipiului Bucureşti,

les parties intéressées

IB,

Camera Naţională a Taximetriştilor din România,

D'Artex Star SRL,

Auto Cobălcescu SRL,

Cristaxi Service SRL

(Demande de décision préjudicielle
du Tribunalul București (Tribunal régional, Bucarest, Roumanie))

(Demande de décision préjudicielle - Directive 2015/1535 - Article 1er , paragraphe 1, sous b) - Définition des "services de la société de l'information" - Service de mise en relation directe des clients de taxis avec les chauffeurs de taxis - Service de réservation de taxis obligatoire pour les taxis des transporteurs agréés - Article 1er , paragraphe 1, sous e) - Règle relative aux services - Obligation de notification - Directive 2000/31/CE - Article 4 - Autorisation préalable - Régimes d'autorisation ne visant pas spécifiquement et exclusivement les services de la société de l'information - Directive 2006/123/CE - Articles 9 et 10 - Régimes d'autorisation pour les activités de services)

Introduction

  1. La législation de l'UE établit des règles spéciales pour une catégorie spécifique de services, à savoir les services de la "société de l'information", c'est-à-dire les services fournis à distance par des moyens électroniques ou, plus simplement, principalement via l'internet. En vertu du droit communautaire, ces services bénéficient du principe de reconnaissance mutuelle entre les États membres ainsi que d'un certain nombre de facilités en ce qui concerne l'établissement dans les États membres d'origine respectifs des prestataires.
  2. Cependant, il n'est pas toujours facile de distinguer un service de la société de l'information d'un service "traditionnel" lorsque différents types de services font partie intégrante d'un service composite. C'est notamment le cas pour les services de transport urbain réservés par voie électronique. La Cour a déjà eu l'occasion de donner des indications sur cette distinction dans des circonstances spécifiques. (2) Toutefois, ces orientations ne sont pas nécessairement destinées à s'appliquer dans des circonstances différentes.
  3. Une deuxième difficulté apparaît lorsque les règles nationales régissent des services "traditionnels" de même nature économique que les services de la société de l'information. Il est donc nécessaire de déterminer dans quelle mesure et, le cas échéant, dans quelles circonstances le droit communautaire permet d'appliquer ces règles à cette dernière catégorie de services. Une autre question se pose lorsqu'il existe un doute sur le fait que les règles adoptées pour réglementer les services "traditionnels" ont effectivement vocation à s'appliquer aux services de la société de l'information, en raison de la spécificité ou de la nouveauté de ces derniers. (3)
  4. L'ensemble de ces différentes questions se pose dans la présente affaire et donne ainsi l'occasion à la Cour de clarifier sa jurisprudence en la matière. Contexte juridique Droit de l'Union européenne
  5. En vertu de l'article 2, point a), de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ("directive sur le commerce électronique") : (4)

Aux fins de la présente directive, les termes suivants ont la signification suivante :

(a) "services de la société de l'information" : services au sens de l'article 1er , paragraphe 2, de la directive 98/34/CE, telle que modifiée par la directive 98/48/CE ; [(5)]".

  1. L'article 4 de cette directive stipule que

'1. Les États membres veillent à ce que l'accès à l'activité de prestataire de services de la société de l'information et son exercice ne puissent être soumis à une autorisation préalable ou à toute autre exigence ayant un effet équivalent.

  1. Le paragraphe 1 s'applique sans préjudice des régimes d'autorisation qui ne visent pas spécifiquement et exclusivement les services de la société de l'information ...".
  2. L'article 2, paragraphe 1, et l'article 2, paragraphe 2, point d), de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (6) disposent :

'1. La présente directive s'applique aux services fournis par des prestataires établis dans un État membre.

  1. La présente directive ne s'applique pas aux activités suivantes :

...

(d) les services dans le domaine des transports, y compris les services portuaires, relevant du titre [VI] du [TFUE] ;

...'

  1. En vertu de l'article 3, paragraphe 1, première phrase, de cette directive :

Si les dispositions de la présente directive sont en conflit avec une disposition d'un autre acte communautaire régissant des aspects spécifiques de l'accès à une activité de service ou de son exercice dans des secteurs ou pour des professions spécifiques, la disposition de l'autre acte communautaire prévaut et s'applique à ces secteurs ou professions spécifiques.

  1. L'article 9, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

'1. Les États membres ne soumettent l'accès à une activité de service ou son exercice à un régime d'autorisation que si les conditions suivantes sont remplies :

(a) le régime d'autorisation n'est pas discriminatoire à l'égard du prestataire en question ;

(b) la nécessité d'un régime d'autorisation est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ;

(c) l'objectif poursuivi ne peut être atteint par une mesure moins restrictive, notamment parce qu'un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour être réellement efficace".

  1. Enfin, l'article 10, paragraphes 1 et 2, de cette directive stipule que

'1. Les régimes d'autorisation sont fondés sur des critères qui empêchent les autorités compétentes d'exercer leur pouvoir d'appréciation de manière arbitraire.

  1. Les critères visés au paragraphe 1 sont les suivants :

(a) non discriminatoire ;

(b) justifié par une raison impérieuse d'intérêt général ;

(c) proportionné à cet objectif d'intérêt public ;

(d) claire et sans ambiguïté ;

(e) objectif ;

(f) rendus publics à l'avance ;

(g) transparents et accessibles.

  1. L'article 1er, paragraphe 1, de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information (7) dispose :

'1. Aux fins de la présente directive, les définitions suivantes s'appliquent :

...

(b) "service" : tout service de la société de l'information, c'est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d'un destinataire de services.

Aux fins de la présente définition :

(i) "à distance" signifie que le service est fourni sans que les parties soient simultanément présentes ;

(ii) "par voie électronique" : le service est envoyé initialement et reçu à destination au moyen d'équipements électroniques de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage de données, et entièrement transmis, acheminé et reçu par fil, par radio, par moyens optiques ou par d'autres moyens électromagnétiques ;

(iii) "à la demande individuelle d'un destinataire de services" signifie que le service est fourni par la transmission de données sur demande individuelle.

Une liste indicative des services non couverts par cette définition figure à l'annexe I ;

...

(e) "règle relative aux services" : une exigence de nature générale relative à l'accès aux activités de services au sens du point b) et à leur exercice, notamment les dispositions concernant le prestataire, les services et le destinataire des services, à l'exclusion de toute règle qui ne vise pas spécifiquement les services définis dans ce point.

Aux fins de la présente définition :

(i) une règle est considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l'information lorsque, eu égard à sa motivation et à son dispositif, l'ensemble ou certaines de ses dispositions particulières ont pour but et objet spécifiques de réglementer ces services de manière explicite et ciblée ;

(ii) une règle n'est pas considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l'information si elle n'affecte ces services que de manière implicite ou incidente ;

(f) "règle technique" : les spécifications techniques et autres exigences ou règles relatives aux services, y compris les dispositions administratives pertinentes dont l'observation est obligatoire, de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l'établissement d'un opérateur de services ou l'utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de celui-ci, ainsi que les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres, à l'exception de celles visées à l'article 7, interdisant la fabrication, l'importation, la commercialisation ou l'utilisation d'un produit ou interdisant de fournir ou d'utiliser un service ou de s'établir en tant que prestataire de services.

...

Il s'agit des règles techniques imposées par les autorités désignées par les États membres et figurant sur une liste établie et mise à jour, le cas échéant, par la Commission, dans le cadre du comité visé à l'article 2.

...'

  1. En vertu de l'article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive :

Sous réserve de l'article 7, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s'il s'agit de la simple transposition du texte intégral d'une norme internationale ou européenne, auquel cas une information sur la norme concernée suffit ; ils communiquent également à la Commission un exposé des motifs qui rendent nécessaire l'édiction d'une telle règle technique, lorsque ces motifs n'ont pas déjà été explicités dans le projet.

  1. Enfin, l'article 10 de la directive prévoit que

La directive 98/34/CE, telle que modifiée par les actes visés à l'annexe III, partie A, de la présente directive, est abrogée, sans préjudice des obligations des États membres en ce qui concerne les délais de transposition en droit national des directives indiqués à l'annexe III, partie B, de la directive abrogée et à l'annexe III, partie B, de la présente directive.

Les références à la directive abrogée s'entendent comme faites à la présente directive et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l'annexe IV".

Droit roumain

  1. L'article 1er bis, point j), et l'article 15 de la Legea nr. 38/2003 privind transportul în regim de taxi și în regim de închiriere (loi n° 38/2003 relative au transport par taxi et véhicule de location) du 20 janvier 2003 (8) ("loi n° 38/2003") disposent ce qui suit :

Article 1 bis

...

(j) répartition des taxis ("dispatching"), une activité liée au transport par taxi consistant à recevoir les réservations des clients par téléphone ou par d'autres moyens et à les transmettre à un chauffeur de taxi par l'intermédiaire d'une radio bidirectionnelle ;

...

Article 15

  1. La distribution de taxis ne peut être effectuée que dans la zone couverte par l'autorisation, par toute personne morale ("le centre de réservation") titulaire d'une autorisation délivrée par l'autorité compétente conformément à la présente loi.
  2. Une autorisation d'exploitation de taxi peut être obtenue en présentant les documents suivants :

(a) une copie du certificat d'enregistrement délivré par le registre du commerce ;

(b) une déclaration sur l'honneur de l'exploitant de taxi ou de véhicule de location attestant que le centre de réservation est équipé des moyens techniques nécessaires, d'une radio bidirectionnelle, d'une fréquence radio sécurisée, d'un personnel autorisé et des espaces nécessaires ;

(c) une copie du certificat d'opérateur de radiotéléphonie pour les employés du centre de réservation de taxis, délivré par l'autorité compétente en matière de communications ;

(d) une copie de la licence d'utilisation des radiofréquences délivrée par l'autorité compétente.

...

  1. Les transporteurs agréés fournissant des services de taxi utilisent une centrale de réservation conformément à la présente loi sur la base d'un accord de dispatching conclu avec cette centrale dans des conditions non discriminatoires.
  2. Les services de répartition sont obligatoires pour tous les taxis des transporteurs agréés opérant dans une zone autre que les zones où moins de 100 licences de taxi ont été délivrées ou dans lesquelles ce service est facultatif.

...

  1. Les contrats d'exploitation de taxis conclus avec des transporteurs agréés doivent contenir des clauses établissant les obligations des parties en matière de respect des règles relatives à la qualité et à la légalité du service fourni et des tarifs convenus.
  2. Les taxis desservis par une centrale de réservation peuvent fournir des services de transport sur la base d'un tarif forfaitaire ou d'une grille tarifaire en fonction de la catégorie du véhicule, conformément à la convention de répartition.
  3. La centrale de réservation fournit aux transporteurs agréés qu'elle dessert un émetteur-récepteur destiné à être installé dans les taxis, sur la base d'un contrat de location conclu dans des conditions non discriminatoires.
  4. Dans la municipalité de Bucarest (Roumanie), les services de taxi sont réglementés par la Hotărârea Consiliului General al Municipiului București nr. 178/2008 privind aprobarea Regulamentului-cadru, a Caietului de sarcini și a contractului de atribuire în gestiune delegată pentru organizarea și executarea serviciului public de transport local în regim de taxi (décision n° 178/2008 du conseil municipal de Bucarest approuvant le règlement-cadre, les documents contractuels et la convention de concession pour la gestion déléguée de l'organisation et de la fourniture des services publics de transport local en régime de taxi) du 21 avril 2008 ("décision n° 178/2008"). L'article 21, paragraphe 1, de l'annexe 1 de cette décision était initialement rédigé comme suit :

Dans la municipalité de Bucarest, les services de répartition sont obligatoires pour tous les taxis des transporteurs autorisés et ne peuvent être fournis que par des centres de réservation autorisés par l'autorité compétente de la municipalité de Bucarest, dans des conditions garantissant que les clients peuvent demander ces services par téléphone ou par d'autres moyens par l'intermédiaire des centres de réservation.

  1. La décision n° 178/2008 a été modifiée par la Hotărârea Consiliului General al Municipiului București nr. 626/19.12.2017 pentru modificarea și completarea Hotărârii Consiliului General al Municipiului București nr. 178/2008 privind aprobarea Regulamentului-cadru, a Caietului de sarcini și a contractului de atribuire în gestiune delegată pentru organizarea și executarea serviciului public de transport local în regim de taxi (décision no 626/19.12.2017 du conseil municipal de Bucarest modifiant et complétant la décision no 178/2008) du 19 décembre 2017 ("décision no 626/2017").
  2. L'article 3 de l'annexe 1 de la décision n° 178/2008 modifiée, résultant de l'article I de la décision n° 626/2017, stipule :

Les termes et concepts utilisés et définis dans la loi n° 38/2003 ont la même signification dans le présent document et, aux fins du présent règlement-cadre, les définitions suivantes s'appliquent :

...

(I bis) répartition par tout autre moyen : activité exercée par une centrale de réservation agréée par l'autorité compétente pour recevoir les réservations des clients au moyen d'une application informatique ou les réservations effectuées sur le site web d'une centrale de réservation agréée et les transmettre aux chauffeurs de taxi par l'intermédiaire d'une radio bidirectionnelle.

(Ib) Application informatique : logiciel installé et fonctionnant sur un appareil mobile ou fixe, appartenant exclusivement à la centrale de réservation agréée et portant son nom.

...'

  1. L'article 21 de l'annexe 1 de la décision n° 178/2008 modifiée, résultant des articles II et III de la décision n° 626/2017, est rédigé comme suit :

'1. Dans le municipe de Bucarest, les services de répartition sont obligatoires pour tous les taxis des transporteurs autorisés et ne peuvent être fournis que par des centres de réservation agréés par l'autorité compétente d'autorisation du municipe de Bucarest, dans des conditions garantissant que les clients peuvent demander ces services par téléphone ou par d'autres moyens, y compris par des applications connectées à l'internet qui doivent porter le nom du centre de réservation figurant dans l'autorisation de répartition délivrée par l'autorité compétente d'autorisation du municipe de Bucarest.

...

3a. Les services de dispatching sont obligatoires pour tous les taxis des transporteurs autorisés exploitant un taxi dans la municipalité de Bucarest et ne peuvent être fournis que par des centres de réservation autorisés par l'autorité compétente d'autorisation de la municipalité de Bucarest, dans des conditions garantissant que les clients puissent demander ces services par téléphone ou par d'autres moyens (applications informatiques, réservations effectuées sur le site web d'un centre de réservation) et les transmettre aux chauffeurs de taxi par l'intermédiaire d'une radio bidirectionnelle".

  1. L'article 41, paragraphe 2 bis, de l'annexe 1 de cette décision modifiée, résultant de l'article IV de la décision n° 626/2017, prévoit que, dans l'exercice des activités de taxi, les chauffeurs de taxi sont tenus, entre autres, de s'abstenir d'utiliser des téléphones ou d'autres appareils mobiles lorsqu'ils fournissent des services de transport.
  2. L'article 59, paragraphe 6 bis, de l'annexe 1 de cette décision telle que modifiée, résultant de l'article V de la décision n° 626/2017, stipule :

Le non-respect des obligations prévues à l'article 21, paragraphe 3 bis, qui s'appliquent à toutes les activités comparables, indépendamment de la manière et des circonstances dans lesquelles elles sont exercées, et qui font qu'un chauffeur non autorisé ou un transporteur de taxis autorisé est contacté pour transporter une personne ou un groupe de personnes dans la municipalité de Bucarest, est passible d'une amende de 4 500 à 5 000 [lei roumains (RON) (entre 929 et 1 032 euros environ)]".

Litige au principal, procédure et questions préjudicielles

  1. S.C. Star Taxi App SRL ("Star Taxi App"), société de droit roumain établie à Bucarest, exploite une application smartphone éponyme mettant en relation directe les utilisateurs de services de taxi et les chauffeurs de taxi.
  2. Cette application permet d'effectuer une recherche qui affiche une liste de chauffeurs de taxi disponibles pour une course. Le client est alors libre de choisir un chauffeur en particulier. Star Taxi App ne transmet pas les réservations aux chauffeurs de taxi et ne fixe pas le prix de la course, qui est payé directement au chauffeur à la fin du trajet.
  3. Star Taxi App conclut des contrats de prestation de services directement avec des chauffeurs de taxi autorisés et titulaires d'une licence pour fournir des services de taxi, sans procéder à une quelconque sélection ou recrutement. Dans le cadre de ces contrats, les chauffeurs ont accès à une application informatique et sont équipés d'un smartphone sur lequel l'application est installée et d'une carte SIM comprenant un volume limité de données pour permettre l'utilisation de l'application, en échange d'un paiement mensuel du chauffeur de taxi à Star Taxi App. En outre, cette société ne contrôle ni la qualité des véhicules et de leurs chauffeurs, ni le comportement de ces derniers.
  4. Le 19 décembre 2017, le conseil municipal de Bucarest a adopté la décision n° 626/2017, qui a étendu le champ d'application de l'obligation de demander une autorisation pour l'activité de "dispatching" aux exploitants d'applications informatiques telles que Star Taxi App. Star Taxi App a été condamnée à une amende de 4 500 RON (environ 929 euros) pour avoir enfreint ces règles.
  5. Estimant que son activité constituait un service de la société de l'information auquel s'applique le principe d'exclusion de l'autorisation préalable énoncé à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 2000/31, Star Taxi App a introduit un recours administratif préalable demandant l'abrogation de la décision n° 626/2017. Cette demande a été rejetée au motif que la réglementation litigieuse, d'une part, était devenue nécessaire en raison de l'ampleur considérable avec laquelle des personnes morales non autorisées se sont avérées prendre illégalement des réservations et, d'autre part, ne portait pas atteinte à la libre prestation de services par voie électronique puisqu'elle encadrait un service d'intermédiation en lien avec l'activité de transport de personnes par taxi.
  6. Star Taxi App a donc saisi le Tribunalul București (tribunal régional, Bucarest, Roumanie) d'une demande d'annulation de la décision n° 626/2017.
  7. Dans ces conditions, le Tribunalul București (tribunal régional de Bucarest) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes :

1) Les dispositions de la directive 98/34 (article 1er , paragraphe 2), telle que modifiée par la directive 98/48, et de la directive 2000/31 (article 2, sous a)), selon lesquelles un service de la société de l'information est un "service [...] fourni contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d'un destinataire de services", doit être interprété en ce sens qu'une activité telle que celle exercée par Star Taxi App SRL (à savoir un service consistant à mettre en relation directe, par le biais d'une application électronique, des passagers de taxis avec des chauffeurs de taxis) doit être considérée comme spécifique à l'activité de Star Taxi App SRL, avec des chauffeurs de taxi) doit être considérée spécifiquement comme un service de la société de l'information et de l'économie collaborative (étant rappelé que Star Taxi App SRL ne remplit pas les critères pour être une entreprise de transport considérés par la Cour de justice de l'Union européenne au point 39 de son arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi, C-434/15, EU :C:2017:981, en référence à Uber) ?

(2) Dans l'hypothèse où [l'application exploitée par] Star Taxi App SRL doit être considérée comme un service de la société de l'information, les dispositions de l'article 4 de la directive [2000/31], des articles 9, 10 et 16 de la directive [2006/123] et de l'article 56 TFUE entraînent-elles l'application du principe de la libre prestation des services à l'activité exercée par Star Taxi App SRL ? En cas de réponse affirmative à cette question, ces dispositions s'opposent-elles à des règles telles que celles énoncées aux articles I, II, III, IV et V de la [décision n° 626/2017] ?

(3) Dans l'hypothèse où la directive [2000/31] s'applique au service fourni par Star Taxi App SRL, les restrictions imposées par un État membre à la libre prestation des services de la société de l'information qui subordonnent la prestation de ces services à la possession d'une autorisation ou d'une licence constituent-elles des mesures valables dérogeant à l'article 3, paragraphe 2, de la directive [2000/31] conformément à l'article 3, paragraphe 4, de cette directive ?

(4) Les dispositions de l'article 5 de la directive [2015/1535] s'opposent-elles à l'adoption, sans notification préalable à la Commission européenne, de règlements tels que ceux énoncés aux articles I, II, III, IV et V de la [décision n° 626/2017] ?

  1. La demande de décision préjudicielle est parvenue à la Cour le 29 janvier 2019. Des observations écrites ont été présentées par Star Taxi App, Unitatea Administrativ Teritorială Municipiul Bucureşti prin Primar General (unité administrative territoriale de Bucarest ; " la municipalité de Bucarest "), le gouvernement néerlandais et la Commission. Star Taxi App et la Commission ont également répondu par écrit aux questions posées par la Cour, qui a décidé de statuer sur l'affaire sans audience en raison des risques liés à la pandémie de Covid-19. Analyse de l'affaire
  2. La juridiction de renvoi a posé quatre questions préjudicielles concernant l'interprétation de plusieurs dispositions du droit de l'Union dans un contexte tel que celui en cause au principal. J'examinerai ces questions dans l'ordre dans lequel elles ont été posées, en traitant conjointement les deuxième et troisième questions. Il convient toutefois de noter que toutes les dispositions du droit de l'Union mentionnées par la juridiction de renvoi ne sont pas applicables dans une situation telle que celle-ci. Les questions préjudicielles doivent donc être reformulées. La première question préjudicielle Observations préliminaires
  3. Tout d'abord, dans la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi mentionne l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 98/34, telle que modifiée par la directive 98/48. Or, la directive 98/34 a été abrogée et remplacée par la directive 2015/1535 avant l'adoption de la décision n° 626/2017. En vertu de l'article 10, deuxième alinéa, de la directive 2015/1535, les références à la directive abrogée s'entendent comme des références à la directive 2015/1535.
  4. Ensuite, comme le souligne à juste titre la Commission dans ses observations, le concept d'"économie collaborative" n'a pas de signification juridique dans le droit communautaire, puisque celui-ci ne confère un statut particulier qu'aux services de la société de l'information.
  5. Par conséquent, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l'article 2, sous a), de la directive 2000/31, lu en combinaison avec l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, doit être interprété en ce sens qu'un service consistant à mettre en relation directe, au moyen d'une application électronique, des passagers de taxis avec des chauffeurs de taxis constitue un " service de la société de l'information ". Article 1er , paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535
  6. En résumé, l'article 2, point a), de la directive 2000/31 définit le "service de la société de l'information" par référence à l'article 1er, paragraphe 1, point b), de la directive 2015/1535.
  7. Selon cette dernière disposition, un service de la société de l'information est "tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d'un destinataire de services". Ces termes sont eux-mêmes définis. En particulier, un service est fourni par voie électronique lorsqu'il est "envoyé initialement et reçu à destination au moyen d'équipements électroniques de traitement ... et de stockage de données, et entièrement transmis, acheminé et reçu par fils, par radio, par moyens optiques ou par d'autres moyens électromagnétiques".
  8. Il ne semble faire aucun doute qu'un service tel que celui offert par Star Taxi App répond à la définition susmentionnée.
  9. D'une part, ce service est fourni à titre onéreux, puisque les chauffeurs de taxi paient une redevance pour son utilisation. Bien que cette utilisation soit gratuite pour les passagers, ceux-ci doivent également être considérés comme des destinataires du service. Cela ne change rien au fait que le service fourni par Star Taxi App est payant. Il suffit que ce service soit payant pour l'une des catégories d'utilisateurs, en l'occurrence les chauffeurs de taxi. (9)
  10. Deuxièmement, le service en cause est fourni à distance : il ne nécessite pas la présence simultanée du prestataire de services (Star Taxi App) et des destinataires (chauffeurs et passagers). La présence simultanée des deux catégories d'utilisateurs de ce service est, certes, nécessaire pour la fourniture du service de transport subséquent. Toutefois, ce service est distinct du service de mise en relation en cause dans la présente procédure.
  11. Troisièmement, le service en cause dans la présente affaire est également fourni à la demande individuelle d'un destinataire du service. Plus précisément, la demande simultanée de deux destinataires est ici nécessaire : la demande du chauffeur lorsqu'il est connecté au service et la demande d'un passager qui souhaite obtenir des informations sur les chauffeurs disponibles.
  12. En quatrième et dernier lieu, le service est fourni par voie électronique. Il fonctionne via une application, à savoir un logiciel pour smartphone, et utilise donc des équipements électroniques pour le traitement et le stockage des données. Il est transmis par téléphonie cellulaire ou par d'autres formes d'accès à l'internet, et utilise donc des moyens de communication électronique.
  13. Il est vrai que, selon les informations transmises par la juridiction de renvoi, Star Taxi App fournit également aux chauffeurs de taxi des smartphones sur lesquels son application est installée afin qu'ils puissent utiliser le service en cause. Cet aspect du service n'est pas fourni à distance ou par voie électronique et ne répond donc pas à la définition susmentionnée. La fourniture de smartphones constitue en revanche un aspect accessoire du service, dont l'objet est de faciliter la prestation du service principal de mise en relation des conducteurs avec les passagers. Elle n'affecte donc pas la nature de l'activité de Star Taxi App en tant que service fourni à distance.
  14. Par conséquent, une activité telle que celle exploitée par Star Taxi App relève de la définition de " service de la société de l'information " au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535. (10) Arrêt Asociación Profesional Elite Taxi
  15. Il ressort néanmoins de la jurisprudence de la Cour que, dans certaines circonstances, un service peut ne pas être considéré comme relevant de la notion de "service de la société de l'information" même s'il présente, au moins pour certains de ses éléments constitutifs, les caractéristiques contenues dans la définition figurant à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535. (11)
  16. C'est notamment le cas lorsque le service fourni par voie électronique est intrinsèquement lié à la fourniture d'un autre service, qui est le service principal et n'est pas fourni par voie électronique, tel qu'un service de transport. (12)
  17. Selon la Cour, ce lien inhérent est caractérisé par le fait que le prestataire du service fourni par voie électronique contrôle les aspects essentiels de l'autre service, y compris la sélection (13) des prestataires de cet autre service. (14)
  18. Cependant, la situation semble être différente dans le cas d'un service tel que celui fourni par Star Taxi App. Tout d'abord, Star Taxi App n'a pas besoin de recruter des chauffeurs de taxi car ceux-ci sont titulaires d'une licence et disposent des moyens nécessaires pour fournir des services de transport urbain. Star Taxi App ne leur offre rien d'autre que son service comme complément pour améliorer l'efficacité de leurs propres services. Selon Star Taxi App, les chauffeurs de taxi ne sont pas des employés, comme les chauffeurs d'Uber, mais des clients, c'est-à-dire des bénéficiaires du service. Deuxièmement, Star Taxi App n'exerce pas de contrôle ou d'influence décisive sur les conditions dans lesquelles les services de transport sont fournis par les chauffeurs de taxi, qui sont libres de déterminer ces conditions sous réserve des limites imposées par la législation en vigueur. (15)
  19. Je ne partage donc pas l'avis de la municipalité de Bucarest selon lequel la situation dans l'affaire au principal est comparable à celle de l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt Asociación Profesional Elite Taxi. (16)
  20. Il est vrai que le service de Star Taxi App est accessoire aux services de transport par taxi et qu'il est économiquement dépendant de ces services, puisqu'il n'aurait aucun sens sans eux.
  21. Toutefois, cette dépendance diffère totalement de celle qui caractérise la relation entre l'exploitant de l'application UberPop et les chauffeurs opérant dans le cadre de cette application. En effet, pour pouvoir fournir son service d'intermédiation au moyen de cette application, Uber a dû créer ex nihilo le service de transport correspondant fourni par des chauffeurs non professionnels - qui n'existait pas auparavant - et, par conséquent, en organiser le fonctionnement général. (17) Ainsi, l'application UberPop ne pouvait pas fonctionner sans les services fournis par les chauffeurs et les chauffeurs ne pouvaient pas offrir ces services de manière économiquement viable sans cette application. Pour cette raison, le modèle économique et la stratégie commerciale d'Uber lui imposent de déterminer les conditions essentielles du service de transport, à commencer par le prix, de sorte qu'elle devient, bien qu'indirectement, le prestataire de facto de ces services. (18)
  22. En revanche, le service fourni par Star Taxi App est un complément à un service de transport par taxi préexistant et organisé. Le rôle de Star Taxi App se limite à celui d'un fournisseur externe d'un service auxiliaire, qui est important mais pas essentiel pour l'efficacité du service principal, à savoir le service de transport. Bien que le service fourni par Star Taxi App soit donc économiquement dépendant du service de transport, il peut être fonctionnellement indépendant et être fourni par un prestataire de services autre que les prestataires de services de transport. Ces deux services ne sont donc pas intrinsèquement liés au sens de la jurisprudence de la Cour mentionnée au point précédent. (19)
  23. La municipalité de Bucarest soutient que le service de Star Taxi App doit être considéré comme faisant partie intégrante du service de transport par taxi, étant donné que la législation nationale qualifie ce service de "service de répartition", qui est obligatoire pour tous les fournisseurs de services de transport par taxi.
  24. Il suffit de constater que, dans le cadre des règles relatives aux services de transport, les États membres sont libres d'exiger des transporteurs qu'ils aient recours à d'autres services, y compris les services de la société de l'information. Cette exigence ne saurait toutefois exclure ces derniers services du champ d'application des règles fixées par la directive 2000/31 et dispenser les États membres des obligations qui en découlent. Réponse à la première question préjudicielle
  25. Un service d'intermédiation entre des chauffeurs de taxi professionnels et des passagers au moyen d'une application pour smartphone, tel que celui fourni par Star Taxi App, présente donc les caractéristiques d'un service de la société de l'information au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, sans pour autant être intrinsèquement lié au service de transport au sens de la jurisprudence de la Cour précitée. (20)
  26. Je propose donc de répondre à la première question préjudicielle que l'article 2, sous a), de la directive 2000/31, lu en combinaison avec l'article 1er , paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, doit être interprété en ce sens qu'un service consistant à mettre en relation directe, au moyen d'une application électronique, des passagers de taxis avec des chauffeurs de taxis constitue un service de la société de l'information lorsque ce service n'est pas intrinsèquement lié au service de transport par taxi, de sorte qu'il ne fait pas partie intégrante du service de transport par taxi au sens de l'arrêt Asociación Profesional Elite Taxi. (21) Les deuxième et troisième questions préjudicielles
  27. Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande à la Cour d'apprécier la décision n° 626/2017 à la lumière des articles 3 et 4 de la directive 2000/31, des articles 9, 10 et 16 de la directive 2006/123 ainsi que de l'article 56 TFUE. J'examinerai ces questions au regard de chaque acte législatif mentionné par la juridiction de renvoi, en commençant par l'acte dont les dispositions traitent le plus étroitement des services de la société de l'information, à savoir la directive 2000/31. La directive 2000/31
  28. Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3 et 4 de la directive 2000/31 doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un État membre qui, à l'instar de la décision n° 178/2008, telle que modifiée par la décision n° 626/2017, soumet les services d'intermédiation, fournis par voie électronique, entre les chauffeurs de taxi et les passagers potentiels à la même exigence d'obtention d'une autorisation que celle imposée aux exploitants de services de " dispatching " de taxis fournis par d'autres moyens, y compris par radio.

- Article 3 de la directive 2000/31

  1. Il convient de noter d'emblée que, Star Taxi App étant une société de droit roumain ayant son siège à Bucarest, le litige au principal est circonscrit à l'intérieur d'un seul État membre.
  2. L'article 3, paragraphe 1, de la directive 2000/31 impose simplement aux États membres de veiller à ce que les services de la société de l'information fournis par les prestataires établis sur leur territoire soient conformes aux dispositions nationales en vigueur qui relèvent du domaine coordonné tel que défini à l'article 2, sous h), de ladite directive. En outre, l'article 3, paragraphe 2, de cette directive interdit aux États membres, en règle générale, de restreindre la libre prestation des services de la société de l'information à partir d'un autre État membre, l'article 3, paragraphe 4, introduisant des exceptions à cette interdiction.
  3. L'article 3 de la directive 2000/31 établit donc une sorte de principe de reconnaissance mutuelle des services de la société de l'information entre les Etats membres. Il s'ensuit que cet article ne s'applique pas dans la situation d'un prestataire de services de la société de l'information dans son État membre d'origine. L'article 3 de la directive 2000/31 n'est donc pas applicable au litige au principal.

- Article 4 de la directive 2000/31

  1. L'article 4 de la directive 2000/31 interdit aux États membres de soumettre l'accès à l'activité d'un prestataire de services de la société de l'information et son exercice à une autorisation préalable ou à toute autre exigence ayant un effet équivalent.
  2. Cette disposition figure au chapitre II de la directive 2000/31, intitulé "Principes", à la section 1 "Exigences en matière d'établissement et d'information". Le chapitre II énonce une série de droits et d'obligations pour les prestataires de services de la société de l'information, dont les États membres doivent assurer le respect. Ces dispositions visent à harmoniser les législations des États membres relatives à ces services afin d'assurer l'effectivité du principe de reconnaissance mutuelle découlant de l'article 3 de la directive 2000/31. Les dispositions du chapitre II de cette directive harmonisent donc les règles que les États membres imposent aux prestataires de services de la société de l'information établis sur leur territoire. (22)
  3. Il est logique qu'il en aille de même pour l'interdiction de tout régime d'autorisation pour ces services. Cette interdiction est donc valable dans la situation des prestataires de services de la société de l'information dans leur État membre d'origine. Ainsi, l'article 4, paragraphe 1, de la directive 2000/31 est, en principe, applicable au litige au principal.
  4. Toutefois, en vertu de l'article 4, paragraphe 2, de cette directive, l'interdiction prévue à l'article 4, paragraphe 1, de celle-ci est sans préjudice des régimes d'autorisation qui ne visent pas spécifiquement et exclusivement les services de la société de l'information. Il convient donc de déterminer si le régime d'autorisation en cause au principal vise spécifiquement et exclusivement les services de la société de l'information.
  5. Il convient de préciser d'emblée que l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2000/31 est plus exigeant que la disposition similaire figurant à l'article 1er , paragraphe 1, point e), de la directive 2015/1535 dans la définition de la "règle relative aux services". Cette dernière disposition exclut toute règle qui ne vise pas spécifiquement les services de la société de l'information. En revanche, en vertu de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2000/31, l'interdiction prévue à l'article 4, paragraphe 1, de celle-ci ne s'applique qu'aux régimes d'autorisation qui visent spécifiquement et exclusivement les services de la société de l'information.
  6. Selon les informations contenues dans la demande de décision préjudicielle, en droit roumain, l'obligation d'obtenir une autorisation pour accéder à l'activité de répartition de taxis découle de l'article 15, paragraphe 1, de la loi n° 38/2003. Le reste de cet article énonce les conditions à remplir pour obtenir l'autorisation, les conditions d'octroi de cette autorisation et les règles applicables à l'exercice de l'activité.
  7. Ces dispositions sont ensuite mises en œuvre au niveau local par les différentes autorités compétentes en matière d'autorisation, en l'occurrence la municipalité de Bucarest. À cette fin, la municipalité de Bucarest a adopté la décision n° 178/2008. Cette décision a ensuite été modifiée par la décision n° 626/2017 qui, en introduisant la notion de " dispatching par tout autre moyen " (23), a précisé que l'exigence d'une autorisation s'appliquait aux services du type de ceux fournis par Star Taxi App, à savoir les services de la société de l'information consistant en une intermédiation entre les chauffeurs de taxi et les passagers.
  8. La question juridique à laquelle il convient donc de répondre est celle de savoir si une disposition nationale qui a pour conséquence d'imposer aux prestataires de services de la société de l'information l'obtention d'une autorisation - exigence qui, par ailleurs, existe déjà pour les prestataires de services similaires qui ne sont pas des services de la société de l'information - constitue un régime d'autorisation visant spécifiquement et exclusivement les prestataires de cette deuxième catégorie de services, au sens de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2000/31.
  9. Je crois qu'il faut répondre à cette question par la négative.
  10. La raison d'être de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2000/31 est d'éviter une inégalité de traitement entre les services de la société de l'information et les services similaires qui ne relèvent pas de ce concept. Lorsqu'un régime d'autorisation générale est destiné à s'appliquer également aux services fournis à distance par voie électronique, il est probable que ces services constituent, en termes économiques, des substituts aux services fournis par des moyens "traditionnels" et sont, par conséquent, en concurrence directe avec cette deuxième catégorie de services. En l'absence d'obligation d'autorisation, les services de la société de l'information seraient placés dans une position concurrentielle préférentielle, en violation des principes de concurrence loyale et d'égalité de traitement. (24) En d'autres termes, si l'objectif du législateur européen en adoptant la directive 2000/31 était d'encourager le développement des services de la société de l'information, son intention n'était pas de permettre aux opérateurs économiques de se soustraire à toute obligation légale au seul motif qu'ils opèrent "en ligne". Il me semble que ces préoccupations étaient implicites dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt Asociación Profesional Elite Taxi. (25)
  11. Les services de la société de l'information étant le résultat des développements technologiques particulièrement rapides observés ces dernières années, ils pénètrent souvent des marchés déjà occupés par des services "traditionnels". Ces services traditionnels peuvent être soumis à des régimes d'autorisation. Selon l'objet et le libellé des dispositions nationales en cause, il peut être plus ou moins évident que certaines règles, y compris des régimes d'autorisation, conçues pour des services qui ne sont pas fournis à distance et par voie électronique, s'appliquent à des services similaires qui sont fournis de cette manière et qui relèvent donc de la notion de "service de la société de l'information". Il peut donc être nécessaire de clarifier les règles existantes, au niveau législatif ou au niveau de la mise en œuvre, afin de confirmer leur application aux services de la société de l'information. Une telle action législative ou administrative, qui soumet les services de la société de l'information aux règles existantes, n'équivaut cependant pas à la création d'un nouveau régime d'autorisation visant spécifiquement et exclusivement ces services. Il s'agit plutôt d'une adaptation du régime existant pour tenir compte de nouvelles circonstances.
  12. Je pense qu'il serait donc contraire à l'efficacité de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2000/31 si, à la suite d'une telle action "technique", l'interdiction prévue au paragraphe 1 de cet article empêchait l'application de certains régimes d'autorisation existants aux services de la société de l'information, alors que d'autres régimes pourraient leur être applicables proprio vigore, grâce à l'article 4, paragraphe 2.
  13. Le même raisonnement s'applique lorsque l'extension d'un régime d'autorisation préexistant aux services de la société de l'information nécessite des ajustements en raison des spécificités de ces services par rapport aux services pour lesquels le régime a été initialement conçu. Ces adaptations peuvent concerner, entre autres, les conditions d'obtention de l'autorisation. Comme je le montrerai ci-dessous, c'est précisément l'absence de telles adaptations qui peut remettre en cause la légalité de l'application du régime d'autorisation aux services de la société de l'information.
  14. Enfin, je ne pense pas, comme le suggère la Commission, que l'approche de la Cour dans l'affaire Falbert e.a. (26) soit applicable par analogie à la présente affaire. Dans cet arrêt (27), la Cour a jugé qu'une règle nationale qui a pour but et pour objet d'étendre une règle existante aux services de la société de l'information doit être qualifiée de "règle relative aux services" au sens de l'article 1er, paragraphe 5, de la directive 98/34. (28) Or, comme je l'ai déjà indiqué au point 63 du présent avis, les règles relatives aux services au sens de la directive 2015/1535 sont des règles qui concernent spécifiquement les services de la société de l'information, alors que l'article 4, paragraphe 1, de la directive 2000/31 n'interdit que les régimes d'autorisation qui concernent spécifiquement et exclusivement ces services. En outre, selon une jurisprudence constante, des dispositions nationales qui se bornent à fixer les conditions de l'établissement ou de la prestation de services par des entreprises, telles que des dispositions soumettant l'exercice d'une activité économique à une autorisation préalable, ne constituent pas des réglementations techniques au sens de la directive 2015/1535, ce principe s'appliquant également aux règles relatives aux services. (29) Il serait donc incohérent d'établir une analogie interprétative entre l'article 1er, paragraphe 1, sous e), de la directive 2015/1535 et l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2000/31, qui concerne précisément les régimes d'autorisation.
  15. Pour ces raisons, je considère que l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2000/31 doit être interprété en ce sens qu'une disposition nationale qui étend l'obligation d'obtenir une autorisation aux prestataires de services de la société de l'information - obligation à laquelle étaient déjà soumis les prestataires de services similaires qui ne sont pas des services de la société de l'information - ne constitue pas un régime d'autorisation visant spécifiquement et exclusivement les prestataires de cette seconde catégorie de services. L'interdiction prévue à l'article 4, paragraphe 1, de cette directive ne s'oppose donc pas à l'application d'un tel régime aux services de la société de l'information.
  16. Cette constatation est toutefois soumise à la condition que les services couverts par le régime d'autorisation existant qui ne sont pas fournis par voie électronique et les services de la société de l'information auxquels ce régime est étendu soient effectivement équivalents en termes économiques. Cette équivalence doit être appréciée du point de vue de l'utilisateur du service, c'est-à-dire que les services doivent être interchangeables de son point de vue.
  17. Cette question semble faire l'objet d'un litige entre les parties au principal. La municipalité de Bucarest fait valoir, dans ses observations, qu'une activité telle que celle exercée par Star Taxi App est équivalente à l'activité de répartition de taxis au sens de la loi n° 38/2003 et relève, par conséquent, de l'obligation d'obtenir une autorisation de centrale de réservation en vertu de cette loi. Par conséquent, la décision n° 626/2017, tout comme la décision n° 178/2008, a été adoptée en vertu de cette loi. Star Taxi App, en revanche, conteste cette affirmation en soutenant que son activité est de nature différente, qu'elle se limite à mettre les chauffeurs de taxi en contact avec les clients et qu'elle ne relève donc pas des dispositions de la loi n° 38/2003.
  18. Malheureusement, ce point ne semble pas avoir été tranché par la juridiction de renvoi, qui cite la loi n° 38/2003 comme l'un des actes juridiques pertinents pour la résolution du litige au principal, mais qui indique également que l'extension de la notion de "dispatching" aux applications informatiques "dépasse le cadre juridique". L'interprétation de la directive 2000/31 par la Cour ne peut à elle seule résoudre ce dilemme, car elle dépend de constatations de fait que seule la juridiction nationale est en mesure de faire.
  19. L'article 4, paragraphe 1, de la directive 2000/31 ne s'oppose donc pas à des dispositions nationales telles que celles de la décision n° 178/2008, telle que modifiée par la décision n° 626/2017, pour autant que les services régis par ces dispositions soient jugés économiquement équivalents. En revanche, si la juridiction nationale devait constater que des services tels que ceux fournis par Star Taxi App ne sont pas économiquement équivalents à des services de répartition de taxis, de sorte que la décision n° 626/2017 devrait être considérée de facto comme un régime d'autorisation autonome, ce régime tomberait sous le coup de l'interdiction prévue à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 2000/31. (30)

- Remarques finales

  1. Dans ses observations, la Commission note que les dispositions combinées de la décision n° 626/2017, notamment celles relatives à l'obligation de transmettre les réservations aux chauffeurs par radio et à l'interdiction pour les chauffeurs d'utiliser des téléphones mobiles lorsqu'ils fournissent des services de transport (31), peuvent être interprétées comme interdisant de facto la fourniture de services tels que ceux offerts par Star Taxi App.
  2. Or, cette question n'a pas été soulevée par la juridiction de renvoi dans sa demande, qui porte sur l'obligation d'obtenir une autorisation. En outre, dans sa réponse à une question spécifique posée par la Cour à ce sujet, Star Taxi App a reconnu qu'elle pouvait poursuivre son activité à condition de respecter les exigences imposées aux centrales de réservation et d'obtenir une autorisation.
  3. Je considère donc qu'une éventuelle interdiction de l'activité de Star Taxi App est trop hypothétique pour que la présente affaire soit analysée sous cet angle. En outre, le Tribunal ne dispose pas d'informations suffisantes sur la question. Directive 2006/123
  4. Comme je l'ai indiqué, l'interdiction de tout régime d'autorisation prévue à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 2000/31 doit être considérée comme ne s'appliquant pas au régime en cause au principal, dès lors que ce régime ne concerne pas spécifiquement et exclusivement les services de la société de l'information, mais concerne également des services similaires ne relevant pas de cette classification. Or, ces autres services relèvent potentiellement de la directive 2006/123. Il convient donc de déterminer si cette directive est applicable à la présente affaire et, le cas échéant, si elle s'oppose à un régime d'autorisation tel que celui en cause au principal.

- Applicabilité de la directive 2006/123

  1. En vertu de l'article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/123, cette dernière s'applique aux services fournis par des prestataires établis dans un État membre, ce qui inclut sans aucun doute les services en cause dans l'affaire au principal.
  2. Toutefois, l'article 2, paragraphe 2, de cette directive exclut certains services du champ d'application de la directive, notamment les services dans le domaine des transports relevant du champ d'application du titre VI du TFUE. (32) Le considérant 21 de la directive 2006/123 précise que le terme "transport" au sens de cette disposition inclut les taxis. Ce terme inclut-il également les services d'intermédiation entre les chauffeurs de taxi et leurs clients ?
  3. L'article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123 a déjà été interprété par la Cour. Elle a jugé que, en ce qui concerne les services de contrôle technique des véhicules, cette disposition couvre non seulement tout acte physique consistant à déplacer des personnes ou des marchandises d'un endroit à un autre au moyen d'un véhicule, d'un aéronef ou d'un bateau, mais aussi tout service intrinsèquement lié à un tel acte. (33)
  4. La Cour a estimé que les services de contrôle technique étaient intrinsèquement liés aux services de transport au sens strict, dans la mesure où ils constituent une condition préalable indispensable à ces derniers en contribuant à assurer la sécurité routière. (34)
  5. La Cour a également constaté que les mesures d'harmonisation de ces services de contrôle technique ont été adoptées sur la base des dispositions du TFUE relatives aux transports. (35) Contrairement au point de vue exprimé par la Commission en l'espèce, cette constatation me semble déterminante pour l'interprétation de l'article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123. Cette disposition renvoie expressément au titre du TFUE relatif aux transports (aujourd'hui titre VI du TFUE). En effet, en vertu de l'article 58, paragraphe 1, du TFUE, la libre prestation des services dans le domaine des transports est régie par le titre du TFUE relatif aux transports. La directive 2006/123 ne peut donc pas réglementer la libre prestation de services dans ce domaine. En adoptant les directives relatives aux services de contrôle technique des véhicules sur la base des dispositions du titre VI du TFUE, le législateur de l'Union a implicitement inclus ces services dans le domaine des transports au sens tant de l'article 58, paragraphe 1, du TFUE que de l'article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123. Ce choix de la base juridique des mesures d'harmonisation est donc déterminant pour l'exclusion des services en cause du champ d'application de la directive 2006/123. (36)
  6. Quant aux services d'intermédiation tels que ceux en cause au principal, ils n'apparaissent pas intrinsèquement liés aux services de taxis au sens de la jurisprudence de la Cour précitée, puisqu'ils ne constituent pas une condition préalable indispensable à la prestation de ces derniers services au même titre que le contrôle technique. Il est vrai que la législation roumaine impose à tout fournisseur de services de taxi d'utiliser des services de répartition. Toutefois, une telle exigence imposée au niveau national ne peut pas déterminer la classification d'une catégorie de services du point de vue du droit communautaire.
  7. De plus, ces services d'intermédiation ne font l'objet d'aucune mesure d'harmonisation spécifique adoptée sur la base des dispositions du TFUE en matière de transport.
  8. Je ne vois donc aucune raison d'exclure ces services du champ d'application de la directive 2006/123 en vertu de son article 2, paragraphe 2, point d).
  9. En outre, l'article 3, paragraphe 1, de la directive 2006/123 contient une règle selon laquelle les dispositions des actes spécifiques du droit de l'Union régissant l'accès aux services et leur exercice dans des secteurs déterminés prévalent sur celles de la directive 2006/123 en cas de conflit. Bien que l'article 3, paragraphe 1, de cette directive ne fasse pas expressément référence à la directive 2000/31 dans sa deuxième phrase, qui énumère d'autres directives, il me semble néanmoins clair que cette règle concerne également la directive 2000/31. La directive 2000/31, en ce qu'elle réglemente l'accès aux services de la société de l'information et leur exercice, constitue une lex specialis par rapport à la directive 2006/123. (37)
  10. Toutefois, étant donné que l'interdiction de tout régime d'autorisation prévue à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 2000/31 ne s'applique pas à des services tels que ceux en cause au principal, il n'y a pas de conflit entre les deux directives. L'exclusion de l'applicabilité de cette interdiction qui découle de l'article 4, paragraphe 2, de la directive 2000/31 ne signifie pas que les États membres se voient conférer le pouvoir inconditionnel d'appliquer des régimes d'autorisation dans les situations visées par cette disposition. Seul l'article 4, paragraphe 1, de la directive 2000/31 est inapplicable ; ces régimes d'autorisation restent soumis à d'autres règles du droit de l'Union, telles que la directive 2006/123, y compris dans la mesure où elles concernent les services de la société de l'information.
  11. L'article 3, paragraphe 1, de la directive 2006/123 ne s'oppose donc pas à l'application de cette directive au régime d'autorisation en cause au principal, y compris dans la mesure où il concerne les services de la société de l'information.
  12. Dans la question préjudicielle, la juridiction de renvoi mentionne les articles 9, 10 et 16 de la directive 2006/123. Or, l'article 16 de cette directive concerne la libre prestation des services dans les États membres autres que celui du lieu d'établissement du prestataire. Comme indiqué au point 56 du présent avis, le litige au principal concerne l'exercice d'une activité de service par une société roumaine sur le territoire roumain. L'article 16 de la directive 2006/123 n'est donc pas applicable à ce litige.
  13. En revanche, les dispositions de cette directive relatives à la liberté d'établissement, à savoir les articles 9 à 15, sont applicables. La Cour a jugé que ces articles sont applicables à des situations purement internes. (38)

- Articles 9 et 10 de la directive 2006/123

  1. L'article 9 de la directive 2006/123 repose sur le principe que les activités de services ne doivent pas être soumises à des régimes d'autorisation. Néanmoins, sous certaines conditions, les Etats membres peuvent soumettre l'accès à une activité de service à un tel régime. (39) Ces conditions sont les suivantes : le régime ne doit pas être discriminatoire, il doit être justifié par une raison impérieuse d'intérêt général et il ne doit pas exister de mesures moins restrictives permettant d'atteindre le même objectif.
  2. Aucune information n'a été fournie en ce qui concerne la justification du régime d'autorisation des activités de répartition des taxis découlant de la loi n° 38/2003. En ce qui concerne la décision n° 626/2017, la municipalité de Bucarest s'appuie, dans ses observations, sur la nécessité d'assurer des conditions de concurrence égales entre les centres de réservation de taxis " traditionnels " et les services d'intermédiation électronique. Toutefois, cela n'explique pas la raison d'être du régime d'autorisation en tant que tel.
  3. Il appartiendra donc à la juridiction de renvoi de vérifier s'il existe des raisons impérieuses d'intérêt général justifiant le régime d'autorisation des services de taxis. Je rappelle seulement que ce régime concerne un service d'intermédiation sur un marché déjà soumis à un régime d'autorisation, à savoir celui de la prestation de services de transport par taxi. (40) Il apparaît donc que, par exemple, l'intérêt public à la protection des consommateurs est déjà satisfait. Ainsi, la tâche de la juridiction de renvoi sera de vérifier quelles autres raisons impérieuses sont susceptibles de justifier ce régime d'autorisation supplémentaire.
  4. Il convient également de formuler les remarques finales suivantes. L'article 10, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/123 exige que l'autorisation soit accordée sur la base de critères justifiés par une raison impérieuse d'intérêt général et proportionnés à cet objectif d'intérêt général.
  5. Pour obtenir l'autorisation, l'article 15, paragraphe 2, de la loi n° 38/2003 exige notamment que le demandeur dispose d'un émetteur-récepteur, d'une fréquence radio sécurisée, d'un personnel titulaire d'un certificat d'opérateur de radiotéléphonie et d'une licence d'utilisation de fréquences radio. Les documents dont dispose la Cour ne permettent pas de savoir si ces exigences s'appliquent aux prestataires de services d'intermédiation entre les chauffeurs de taxi et les clients au moyen d'une application pour smartphone. Toutefois, cette possibilité ne semble pas exclue.
  6. Ces exigences, conçues pour les centres de réservation de taxis par radio, sont manifestement inadaptées aux services fournis par voie électronique, imposant des charges et des coûts injustifiés aux prestataires. Par conséquent, elles ne peuvent, par définition, être justifiées par aucune raison impérieuse d'intérêt général ni être considérées comme proportionnées à un objectif d'intérêt général lorsqu'elles s'appliquent aux prestataires de services de la société de l'information. En vertu de ces exigences, les prestataires doivent non seulement disposer des technologies qu'ils utilisent, mais aussi des compétences et des équipements spécifiques à une technologie différente.
  7. Pour ces raisons, je considère qu'un régime d'autorisation n'est pas fondé sur des critères justifiés par une raison impérieuse d'intérêt général, comme l'exige l'article 10, paragraphe 1, points b) et c), de la directive 2006/123, lorsque l'octroi de l'autorisation est subordonné à des exigences technologiquement inadaptées au service envisagé par le demandeur. Article 56 du TFUE
  8. Dans la question préjudicielle, la juridiction de renvoi se réfère également à l'article 56 TFUE établissant la libre prestation de services. Or, ainsi qu'il a été observé au point 56 du présent avis, le litige au principal porte sur l'exercice d'une activité de service par une société roumaine sur le territoire roumain. Selon une jurisprudence constante, les dispositions du TFUE relatives à la libre prestation des services ne s'appliquent pas à une situation qui est circonscrite à tous égards à l'intérieur d'un seul État membre. (41) L'article 56 du TFUE n'est donc pas applicable en l'espèce. Réponse aux deuxième et troisième questions préjudicielles
  9. Je propose de répondre aux deuxième et troisième questions préjudicielles que l'article 4 de la directive 2000/31 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à l'application à un prestataire de services de la société de l'information d'un régime d'autorisation applicable aux prestataires de services économiquement équivalents qui ne sont pas des services de la société de l'information. Les articles 9 et 10 de la directive 2006/123 s'opposent à l'application d'un tel régime d'autorisation à moins qu'il ne respecte les critères énoncés à ces articles, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier. Un régime d'autorisation ne respecte pas les critères énoncés à l'article 10 de la directive 2006/123 lorsque l'octroi de l'autorisation est soumis à des exigences technologiquement inadaptées au service envisagé par le demandeur. L'article 3 de la directive 2000/31, l'article 16 de la directive 2006/123 et l'article 56 TFUE ne sont pas applicables dans la situation d'un prestataire qui souhaite fournir des services de la société de l'information dans l'État membre où il est établi. La quatrième question préjudicielle
  10. Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la décision n° 626/2017 constitue une règle technique au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sous f), de la directive 2015/1535 qui aurait dû être notifiée à la Commission au titre de l'article 5 de cette directive.
  11. En vertu de l'article 1er , paragraphe 1, sous f), troisième alinéa, de la directive 2015/1535, cette disposition vise les règles techniques imposées par les autorités désignées par les États membres et figurant sur une liste établie et mise à jour, le cas échéant, par la Commission dans le cadre du comité visé à l'article 2 de cette directive. Cette liste a été publiée le 31 mai 2006 (42), soit avant l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne, et n'inclut donc pas les autorités roumaines. Néanmoins, la Commission indique dans ses observations que, au moment de son adhésion, la Roumanie avait notifié que seules ses autorités centrales étaient habilitées à prescrire des règles techniques au sens de la directive 2015/1535. Les actes de la municipalité de Bucarest ne sont donc pas soumis à l'obligation de notification prévue à l'article 5 de cette directive.
  12. Toutefois, cela ne résout pas entièrement le problème car, comme je l'ai déjà mentionné, il existe un doute sur le fait que l'obligation d'obtenir une autorisation pour fournir des services tels que ceux en cause au principal résulte uniquement de la décision n° 626/2017 ou de l'article 15 de la loi n° 38/2003, dont cette décision n'est qu'une mesure d'exécution. Il est donc raisonnable de s'interroger sur le point de savoir si cette loi aurait dû être notifiée à la Commission.
  13. A mon avis, la réponse doit néanmoins être négative. L'article 1er, paragraphe 1, sous e), de la directive 2015/1535 exclut de la notion de "règle relative aux services" - seule catégorie de règles techniques pouvant entrer en jeu ici - toute règle qui ne vise pas spécifiquement les services de la société de l'information. L'article 1er, paragraphe 1, point e), deuxième alinéa, prévoit que des règles visent spécifiquement ces services lorsqu'elles ont pour but et objet spécifique de réglementer ces services de manière explicite et ciblée. En revanche, les règles qui ne les affectent que de manière implicite ou incidente ne sont pas considérées comme les visant spécifiquement.
  14. Il convient de souligner que la loi n° 38/2003 ne contient aucune référence aux services de la société de l'information. Au contraire, elle les ignore à tel point qu'elle impose même à tout prestataire de services de taxis de posséder des fréquences et des équipements radio, qu'il opère par radio ou au moyen de ressources informatiques. Il est donc évident, selon moi, que si cette loi est applicable aux services de la société de l'information, comme le prétend la municipalité de Bucarest, elle n'a pas pour objet de réglementer ces services de manière explicite et ciblée et ne les affecte que de manière implicite, sans doute par inertie.
  15. Cela s'explique d'ailleurs aisément par le fait que la loi n° 38/2003 date de 2003, alors que la société Uber, pionnière dans la réservation de services de transport par smartphone, n'a été créée qu'en 2009.
  16. L'article 15 de la loi n° 38/2003 ne vise donc pas spécifiquement les services de la société de l'information au sens de l'article 1er, paragraphe 1, point e), de la directive 2015/1535.
  17. Par conséquent, il convient de répondre à la quatrième question préjudicielle que la décision n° 626/2017 ne constitue pas une règle technique au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sous f), de la directive 2015/1535. Conclusion
  18. À la lumière de l'ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Tribunalul București (tribunal régional de Bucarest, Roumanie) :

(1) L'article 2, sous a), de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ("directive sur le commerce électronique"), lu en combinaison avec l'article 1er , paragraphe 1, sous b), de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, doit être interprété en ce sens qu'un service consistant à mettre en relation directe, par le biais d'une application électronique, des passagers de taxis avec des chauffeurs de taxis constitue un service de la société de l'information lorsque ce service n'est pas intrinsèquement lié au service de transport par taxi, de sorte qu'il ne fait pas partie intégrante du service de transport par taxi.

(2) L'article 4 de la directive 2000/31 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à l'application à un prestataire de services de la société de l'information d'un régime d'autorisation applicable aux prestataires de services économiquement équivalents qui ne sont pas des services de la société de l'information.

Les articles 9 et 10 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à l'application d'un tel régime d'autorisation, à moins qu'il ne respecte les critères énoncés à ces articles, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier. Un régime d'autorisation ne respecte pas les critères énoncés à l'article 10 de la directive 2006/123 lorsque l'octroi de l'autorisation est soumis à des exigences technologiquement inadaptées au service envisagé par le demandeur.

L'article 3 de la directive 2000/31, l'article 16 de la directive 2006/123 et l'article 56 du TFUE ne sont pas applicables dans la situation d'un prestataire qui souhaite fournir des services de la société de l'information dans l'État membre où il est établi.

(3) La Hotărârea Consiliului General al Municipiului București nr. 626/2017 pentru modificarea și completarea Hotărârii Consiliului General al Municipiului București nr. 178/2008 privind aprobarea Regulamentului-cadru, a Caietului de sarcini și a contractului de atribuire în gestiune delegată pentru organizarea și executarea serviciului public de transport local în regim de taxi (Décision no 626/2017 du 19 décembre 2017 du conseil municipal de Bucarest modifiant et complétant la décision no 178/2008 du 21 avril 2008 portant approbation du règlement-cadre, les documents contractuels et la convention de concession pour la gestion déléguée de l'organisation et de la fourniture de services de transport public local par taxi) ne constitue pas une règle technique au sens de l'article 1er, paragraphe 1, point f), de la directive 2015/1535.

1 Langue originale : français.

2 Arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C-434/15, EU:C:2017:981).

3 Voir, à propos d'un doute similaire, arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland (C-390/18, EU:C:2019:1112, points 28 à 31), ainsi que mes conclusions dans cette affaire (C-390/18, EU:C:2019:336, points 93 à 99).

4 JO 2000 L 178, p. 1.

5 Directive du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information (JO L 204, p. 37), modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 (JO L 217, p. 18).

6 JO 2006 L 376, p. 36.

7 JO 2015 L 241, p. 1.

8 Monitorul Oficial al României, partie I, n° 45, du 28 janvier 2003.

9 Voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland (C-390/18, EU:C:2019:1112, point 46).

10 Voir également, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C-434/15, EU:C:2017:981, point 35).

11 Arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C-434/15, EU:C:2017:981, points 38 à 42).

12 Voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C-434/15, EU:C:2017:981, dispositif).

13 Bien que la Cour n'ait pas utilisé le terme "recrutement", vraisemblablement pour éviter la controverse sur le statut des chauffeurs d'Uber au regard du droit du travail, c'est dans ce sens que le mot "sélection" doit être interprété.

14 Arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C-434/15, EU:C:2017:981, point 39).

15 La municipalité de Bucarest fait valoir, dans ses observations, que, le 1er février 2018, Star Taxi App a lancé de nouveaux services permettant d'effectuer des paiements par carte bancaire et de fixer un tarif minimal. Or, Star Taxi App a vigoureusement contesté cette affirmation dans sa réponse à une question précise posée par la Cour à ce sujet. Il s'agit donc d'un élément de fait qui n'a pas été établi dans le cadre de l'affaire au principal. En tout état de cause, il n'apparaît pas que ces services supplémentaires soient susceptibles de modifier l'appréciation globale de l'activité de Star Taxi App [voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland (C-390/18, EU:C:2019:1112, points 58 à 64)].

16 Arrêt du 20 décembre 2017 (C-434/15, EU:C:2017:981).

17 Ainsi que la Cour l'a relevé au point 38 de son arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C-434/15, EU:C:2017:981). Voir également, en ce qui concerne la corrélation entre la création d'une prestation de services et l'exercice d'un contrôle sur ces services, mes conclusions dans l'affaire Airbnb Ireland (C-390/18, EU:C:2019:336, points 64 et 65).

18 Pour une description plus complète du fonctionnement d'Uber, je me réfère à mon avis dans l'affaire Asociación Profesional Elite Taxi (C-434/15, EU:C:2017:364).

19 Voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland (C-390/18, EU:C:2019:1112, point 55), ainsi que mes conclusions dans cette affaire (C-390/18, EU:C:2019:336, points 57 à 59).

20 Arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C-434/15, EU:C:2017:981).

21 Arrêt du 20 décembre 2017 (C-434/15, EU:C:2017:981).

22 Voir également l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 2000/31, aux termes duquel "[cette] directive rapproche, dans la mesure nécessaire à la réalisation de l'objectif visé au paragraphe 1, certaines dispositions nationales relatives aux services de la société de l'information concernant le marché intérieur, l'établissement des prestataires de services, les communications commerciales, les contrats électroniques, la responsabilité des intermédiaires, les codes de conduite, le règlement extrajudiciaire des litiges, les actions en justice et la coopération entre les États membres".

23 C'est-à-dire, en dehors de la radio, en pratique au moyen de ressources informatiques.

24 Je rappelle que si, en vertu du droit communautaire, tous les régimes d'autorisation sont interdits pour les services de la société de l'information conformément à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 2000/31, de tels régimes sont autorisés, sous certaines conditions, pour d'autres catégories de services conformément aux articles 9 et 10 de la directive 2006/123 ou à l'article 49 du TFUE.

25 Arrêt du 20 décembre 2017 (C-434/15, EU:C:2017:981).

26 Arrêt du 20 décembre 2017 (C-255/16, EU:C:2017:983).

27 Arrêt du 20 décembre 2017, Falbert e.a. (C-255/16, EU:C:2017:983, point 35).

28 Désormais, l'article 1, paragraphe 1, point e), de la directive 2015/1535.

29 Arrêt du 20 décembre 2017, Falbert e.a. (C-255/16, EU:C:2017:983, points 16 à 18).

30 Je dois souligner que, dans cette hypothèse, la question de la légalité de la décision n° 626/2017 au regard du droit national se poserait également, dès lors que la Legea nr. 365/2002 privind comerļul electronic (loi n° 365/2002 sur le commerce électronique), du 7 juin 2002 (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 483, du 5 juillet 2002), qui transpose la directive 2000/31 en droit roumain, reproduit, à son article 4, paragraphe 1, l'interdiction énoncée à l'article 4, paragraphe 1, de cette directive.

31 Voir les points 18 et 19 du présent avis.

32 Article 2, paragraphe 2, point d), de la directive 2006/123.

33 Arrêt du 15 octobre 2015, Grupo Itevelesa e.a. (C-168/14, EU:C:2015:685, point 46).

34 Arrêt du 15 octobre 2015, Grupo Itevelesa e.a. (C-168/14, EU:C:2015:685, point 47).

35 Arrêt du 15 octobre 2015, Grupo Itevelesa e.a. (C-168/14, EU:C:2015:685, point 49).

36 Voir également mes conclusions dans les affaires jointes Trijber et Harmsen (C-340/14 et C-341/14, EU:C:2015:505, points 27 et 28).

37 Voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland (C-390/18, EU:C:2019:1112, points 40 à 42).

38 Arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser (C-360/15 et C-31/16, EU:C:2018:44, point 3 du dispositif). Voir également mes avis dans les affaires jointes Trijber et Harmsen (C-340/14 et C-341/14, EU:C:2015:505, points 44 à 57), ainsi que dans les affaires jointes X et Visser (C-360/15 et C-31/16, EU:C:2017:397, point 106 et suivants).

39 La notion de "régime d'autorisation" est définie à l'article 4, paragraphe 6, de la directive 2006/123 comme "toute procédure en vertu de laquelle un prestataire ou un destinataire est effectivement tenu d'entreprendre des démarches en vue d'obtenir d'une autorité compétente une décision formelle, ou une décision implicite, concernant l'accès à une activité de service ou son exercice". Selon moi, il ne fait aucun doute que l'activité de répartition de taxis est, en droit roumain, soumise à un régime d'autorisation au sens de cette définition. Ce régime est fondé sur l'article 15 de la loi n° 38/2003 et mis en œuvre au niveau de la municipalité de Bucarest par la décision n° 178/2008, telle que modifiée par la décision n° 626/2017.

40 Comme il s'agit ici d'un service de transport, ce régime est exclu du champ d'application de la directive 2006/123.

41 Voir, en dernier lieu, arrêt du 13 décembre 2018, France Télévisions (C-298/17, EU:C:2018:1017, point 30 et jurisprudence citée).

42 JO 2006 C 127, p. 14

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=1B1ECA1D19F674B9B5A28F3FFB93686C?text=&docid=234921&pageIndex=0&doclang=en&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=27754592

3 décembre 2020 (*)

(Demande de décision préjudicielle - Article 56 TFUE - Applicabilité - Situation purement interne - Directive 2000/31/CE - Article 2, sous a) - Notion de "services de la société de l'information" - Article 3, paragraphes 2 et 4 - Article 4 - Applicabilité - Directive 2006/123/CE - Services - Chapitres III (Liberté d'établissement des prestataires) et IV (Libre circulation des services) - Applicabilité - Articles 9 et 10 - Directive (UE) 2015/1535 - Article 1er , paragraphe 1, sous e) et f) - Notion de "règle relative aux services" - Notion de "règle technique") Libre circulation des services) - Applicabilité - Articles 9 et 10 - Directive (UE) 2015/1535 - Article 1er , paragraphe 1, sous e) et f) - Notion de "règle relative aux services" - Notion de "règle technique" - Article 5, paragraphe 1 - Défaut de communication préalable - Caractère exécutoire - Activité de mise en relation de personnes souhaitant effectuer des courses urbaines avec des chauffeurs de taxi agréés, au moyen d'une application pour smartphone - Classification - Réglementation nationale soumettant cette activité à une autorisation préalable)

Dans l'affaire C-62/19,

Demande de décision préjudicielle au titre de l'article 267 TFUE présentée par le Tribunalul Bucureşti (tribunal régional, Bucarest, Roumanie), par décision du 14 décembre 2018, parvenue à la Cour le 29 janvier 2019, dans la procédure suivante .

Star Taxi App SRL

v

Unitatea Administrativ Teritorială Municipiul Bucureşti prin Primar General,

Consiliul General al Municipiului Bucureşti,

les parties intéressées :

IB,

Camera Naţională a Taximetriştilor din România,

D'Artex Star SRL,

Auto Cobălcescu SRL,

Cristaxi Service SRL,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. Vilaras, président de chambre, N. Piçarra, D. Šváby (rapporteur), S. Rodin et K. Jürimäe, juges,

Avocat général : M. Szpunar,

Registrar : R. Șereș, Administrateur,

en tenant compte de la procédure écrite,

ayant examiné les observations présentées au nom de :

- Star Taxi App SRL, initialement par C. Băcanu, puis par G.C.A. Ioniţă, avocați,

- Unitatea Administrativ Teritorială Municipiul Bucureşti prin Primar General, par M. Teodorescu, en qualité d'agent,

- le gouvernement des Pays-Bas, par M. Bulterman et J.M. Hoogveld, en qualité d'agents,

- la Commission européenne, par S.L. Kalėda, L. Malferrari, L. Nicolae et Y.G. Marinova, en qualité d'agents,

après avoir entendu les conclusions de l'avocat général à l'audience du 10 septembre 2020,

donne ce qui suit

Arrêt de la Cour

1 La présente demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 56 TFUE, de l'article 1er , paragraphe 2, de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques (JO L 204, p. 37), telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 (JO L 217, p. 18) ("directive 98/34"), l'article 2, sous a), l'article 3, paragraphes 2 et 4, et l'article 4 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ("directive sur le commerce électronique") (JO L 178, p. 1), les articles 9, 10 et 16 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO L 376, p. 36), et, enfin, l'article 5 de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information (JO L 241, p. 1).

2 La demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Star Taxi App SRL, d'une part, à l'Unitatea Administrativ Teritorială Municipiul București prin Primar General (unité administrative territoriale de la municipalité de Bucarest, Roumanie ; "le municipe de Bucarest"), et le Consiliul General al Municipiului București (Conseil général du municipe de Bucarest, Roumanie), d'autre part, concernant une réglementation en vertu de laquelle une autorisation préalable est requise pour l'activité, exercée au moyen d'une application pour smartphone, de mise en relation de personnes souhaitant effectuer un trajet urbain avec des chauffeurs de taxi agréés.

Contexte juridique

Droit de l'Union européenne

Directive 98/34

3 La directive 2015/1535 a abrogé et remplacé la directive 98/34 avec effet au 7 octobre 2015, et les références à cette dernière doivent désormais être interprétées comme se rapportant à la directive 2015/1535, conformément à l'article 10, deuxième alinéa, de cette directive.

4 En particulier, l'article 1er, premier alinéa, point 2, de la directive 98/34 a été remplacé en termes identiques par l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535.

Directive 2000/31

5 L'article 2, point a), de la directive 2000/31 définit les "services de la société de l'information" comme des "services au sens de l'article 1er [(1)(b) de la directive 2015/1535]".

6 L'article 3, paragraphes 2 et 4, de la directive 2000/31 est libellé comme suit :

'2. Les États membres ne peuvent pas, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre prestation des services de la société de l'information à partir d'un autre État membre.

...

  1. Les États membres peuvent prendre des mesures pour déroger au paragraphe 2 en ce qui concerne un service de la société de l'information donné si les conditions suivantes sont remplies :

(a) les mesures sont :

(i) nécessaire pour l'une des raisons suivantes :

- l'ordre public, notamment la prévention, la recherche, la détection et la poursuite des infractions pénales, y compris la protection des mineurs et la lutte contre toute incitation à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité, et contre les atteintes à la dignité humaine des personnes,

- la protection de la santé publique,

- la sécurité publique, y compris la sauvegarde de la sécurité et de la défense nationales,

- la protection des consommateurs, y compris des investisseurs ;

(ii) prises à l'encontre d'un service donné de la société de l'information qui portent atteinte aux objectifs visés au point i) ou qui présentent un risque sérieux et grave d'atteinte à ces objectifs ;

(iii) proportionnés à ces objectifs ;

(b) avant de prendre les mesures en question et sans préjudice des procédures judiciaires, y compris les procédures préliminaires et les actes accomplis dans le cadre d'une enquête pénale, l'État membre a :

- a demandé à l'État membre visé au paragraphe 1 de prendre des mesures et que ce dernier n'a pas pris ces mesures ou qu'elles étaient inadéquates,

- a notifié à la Commission et à l'État membre visé au paragraphe 1 son intention de prendre de telles mesures".

7 L'article 4 de cette directive prévoit que

'1. Les États membres veillent à ce que l'accès à l'activité de prestataire de services de la société de l'information et son exercice ne puissent être soumis à une autorisation préalable ou à toute autre exigence ayant un effet équivalent.

  1. Le paragraphe 1 est sans préjudice des régimes d'autorisation qui ne visent pas spécifiquement et exclusivement les services de la société de l'information ou qui sont couverts par la directive 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 avril 1997, relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications [JO L 117, p. 15]". Directive 2006/123

8 Le considérant 21 de la directive 2006/123 stipule que

Les services de transport, y compris les transports urbains, les taxis et les ambulances, ainsi que les services portuaires, devraient être exclus du champ d'application de la présente directive.

9 En vertu de l'article 2, paragraphe 2, point d), de cette directive, celle-ci ne s'applique pas aux services dans le domaine des transports, y compris les services portuaires, qui relèvent du titre V de la troisième partie du traité CE, devenu le titre VI de la troisième partie du traité UE.

10 L'article 3, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

Si les dispositions de la présente directive sont en conflit avec une disposition d'un autre acte communautaire régissant des aspects spécifiques de l'accès à une activité de service ou de son exercice dans des secteurs ou pour des professions spécifiques, la disposition de l'autre acte communautaire prévaut et s'applique à ces secteurs ou professions spécifiques. Il s'agit notamment de :

(a) la directive 96/71/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services (JO L 18, p. 1)] ;

(b) Règlement (CEE) n° 1408/71 [du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, tel que modifié et mis à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO L 28, p. 1)] ;

(c) Directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle [JO L 298, p. 23] ;

(d) la directive 2005/36/ΕC [du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO L 255, p. 22)]".

11 L'article 4, paragraphe 1, de la directive 2006/123 définit le "service" comme toute activité économique indépendante, normalement fournie contre rémunération, telle que visée à l'article 57 du TFUE.

12 Le chapitre III de cette directive, intitulé "Liberté d'établissement des prestataires", contient les articles 9 à 15. L'article 9 est libellé comme suit :

'1. Les États membres ne soumettent l'accès à une activité de service ou son exercice à un régime d'autorisation que si les conditions suivantes sont remplies :

(a) le régime d'autorisation n'est pas discriminatoire à l'égard du prestataire en question ;

(b) la nécessité d'un régime d'autorisation est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ;

(c) l'objectif poursuivi ne peut être atteint par une mesure moins restrictive, notamment parce qu'un contrôle a posteriori interviendrait trop tard pour être réellement efficace.

  1. Dans le rapport visé à l'article 39, paragraphe 1, les États membres identifient leurs régimes d'autorisation et motivent leur compatibilité avec le paragraphe 1 du présent article.
  2. La présente section ne s'applique pas aux aspects des régimes d'autorisation qui sont régis directement ou indirectement par d'autres instruments communautaires.

13 En vertu de l'article 10, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/123 :

'1. Les régimes d'autorisation sont fondés sur des critères qui empêchent les autorités compétentes d'exercer leur pouvoir d'appréciation de manière arbitraire.

  1. Les critères visés au paragraphe 1 sont les suivants :

(a) non discriminatoire ;

(b) justifié par une raison impérieuse d'intérêt général ;

(c) proportionné à cet objectif d'intérêt public ;

(d) claire et sans ambiguïté ;

(e) objectif ;

(f) rendus publics à l'avance ;

(g) transparents et accessibles.

14 Le chapitre IV de cette directive, relatif à la libre circulation des services, contient l'article 16, qui prévoit :

'1. Les États membres respectent le droit des prestataires de fournir des services dans un État membre autre que celui où ils sont établis.

L'État membre dans lequel le service est fourni assure le libre accès et le libre exercice d'une activité de service sur son territoire.

Les États membres ne subordonnent pas l'accès à une activité de service ou son exercice sur leur territoire au respect d'exigences qui ne respectent pas les principes suivants :

(a) non-discrimination : l'exigence ne peut être ni directement ni indirectement discriminatoire en ce qui concerne la nationalité ou, dans le cas des personnes morales, en ce qui concerne l'État membre dans lequel elles sont établies ;

(b) nécessité : l'exigence doit être justifiée par des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l'environnement ;

(c) proportionnalité : l'exigence doit être propre à atteindre l'objectif poursuivi et ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

  1. Les États membres ne peuvent pas restreindre la libre prestation de services d'un prestataire établi dans un autre État membre en imposant l'une des exigences suivantes :

(a) l'obligation pour le prestataire d'avoir un établissement sur leur territoire ;

(b) l'obligation pour le prestataire d'obtenir une autorisation de leurs autorités compétentes, y compris l'inscription dans un registre ou l'enregistrement auprès d'un organisme ou d'une association professionnels sur leur territoire, sauf dans les cas prévus par la présente directive ou par d'autres instruments du droit communautaire ;

(c) l'interdiction pour le prestataire de mettre en place sur leur territoire une certaine forme ou un certain type d'infrastructure, y compris un bureau ou des chambres, dont le prestataire a besoin pour fournir les services en question ;

(d) l'application de dispositions contractuelles spécifiques entre le prestataire et le destinataire qui empêchent ou limitent la prestation de services par les indépendants ;

(e) l'obligation pour le prestataire de posséder un document d'identité délivré par ses autorités compétentes et spécifique à l'exercice d'une activité de service ;

(f) les exigences, à l'exception de celles nécessaires à la santé et à la sécurité au travail, qui affectent l'utilisation d'équipements et de matériels faisant partie intégrante du service fourni ;

(g) des restrictions à la libre prestation des services visés à l'article 19".

Directive 2015/1535

15 L'article 1er , paragraphe 1, points b), e) et f), de la directive 2015/1535 dispose :

'1. Aux fins de la présente directive, les définitions suivantes s'appliquent :

...

(b) "service" : tout service de la société de l'information, c'est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d'un destinataire de services.

Aux fins de la présente définition :

(i) "à distance" signifie que le service est fourni sans que les parties soient simultanément présentes ;

(ii) "par voie électronique" : le service est envoyé initialement et reçu à destination au moyen d'équipements électroniques de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage de données, et entièrement transmis, acheminé et reçu par fil, par radio, par moyens optiques ou par d'autres moyens électromagnétiques ;

(iii) "à la demande individuelle d'un destinataire de services" signifie que le service est fourni par la transmission de données sur demande individuelle.

...

(e) "règle relative aux services" : une exigence de nature générale relative à l'accès aux activités de services au sens du point b) et à leur exercice, notamment les dispositions concernant le prestataire, les services et le destinataire des services, à l'exclusion de toute règle qui ne vise pas spécifiquement les services définis dans ce point.

Aux fins de la présente définition :

(i) une règle est considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l'information lorsque, eu égard à sa motivation et à son dispositif, l'ensemble ou certaines de ses dispositions particulières ont pour but et objet spécifiques de réglementer ces services de manière explicite et ciblée ;

(ii) une règle n'est pas considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l'information si elle n'affecte ces services que de manière implicite ou incidente ;

(f) "règle technique" : les spécifications techniques et autres exigences ou règles relatives aux services, y compris les dispositions administratives pertinentes dont l'observation est obligatoire, de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l'établissement d'un opérateur de services ou l'utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de celui-ci, ainsi que les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres, à l'exception de celles visées à l'article 7, interdisant la fabrication, l'importation, la commercialisation ou l'utilisation d'un produit ou interdisant de fournir ou d'utiliser un service ou de s'établir en tant que prestataire de services.

...'

16 L'article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive prévoit :

Sous réserve de l'article 7, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s'il s'agit de la simple transposition du texte intégral d'une norme internationale ou européenne, auquel cas une information sur la norme concernée suffit ; ils communiquent également à la Commission un exposé des motifs qui rendent nécessaire l'édiction d'une telle règle technique, lorsque ces motifs n'ont pas déjà été explicités dans le projet.

17 En vertu de l'article 10, deuxième alinéa, de cette directive :

Les références à la directive abrogée [98/34] s'entendent comme faites à la présente directive et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l'annexe IV.

Droit roumain

Loi n° 38/2003

18 L'article 11 de la Legea nr. 38/2003 privind transportul în regim de taxi și în regim de închiriere (loi n° 38/2003 relative au transport par taxi et par véhicule de location), du 20 janvier 2003 (Monitorul Oficial al României, partie I, n° 45, du 28 janvier 2003), dans sa version applicable aux faits du litige au principal, dispose :

'...

(j) répartition de taxis ("dispatching") : une activité liée au transport par taxi consistant à recevoir des réservations de clients par téléphone ou par d'autres moyens et à les transmettre à un chauffeur de taxi par l'intermédiaire d'une radio bidirectionnelle.

19 L'article 15 de cette loi prévoit que

(1) La répartition des taxis ne peut être effectuée que dans la zone couverte par l'autorisation par toute personne morale ("le centre de réservation") titulaire d'une autorisation délivrée par l'autorité compétente conformément à la présente loi.

(2) L'autorisation de répartition des taxis peut être obtenue sur présentation des documents suivants :

(a) une copie du certificat d'enregistrement délivré par le registre du commerce ;

(b) une déclaration sur l'honneur de l'exploitant de taxi ou de véhicule de location attestant que le centre de réservation est équipé des moyens techniques nécessaires, d'une radio bidirectionnelle, d'une fréquence radio sécurisée, d'un personnel autorisé et des espaces nécessaires ;

(c) une copie du certificat d'opérateur de radiotéléphonie pour les employés du centre de réservation de taxis, délivré par l'autorité compétente en matière de communications ;

(d) une copie de la licence d'utilisation des radiofréquences délivrée par l'autorité compétente.

...

(5) Les transporteurs agréés fournissant des services de taxi utilisent une centrale de réservation conformément à la présente loi sur la base d'un accord de dispatching conclu avec cette centrale dans des conditions non discriminatoires.

(6) Les services de répartition sont obligatoires pour tous les taxis des transporteurs agréés opérant dans une zone autre que les zones où moins de 100 licences de taxi ont été délivrées, où ce service est facultatif.

...

(8) Les accords de répartition des taxis conclus avec des transporteurs agréés doivent contenir des clauses établissant les obligations des parties en ce qui concerne le respect des règles relatives à la qualité et à la légalité du service fourni et des tarifs convenus.

(9) Les taxis desservis par une centrale de réservation peuvent fournir des services de transport sur la base d'un tarif forfaitaire ou d'une grille tarifaire en fonction de la catégorie du véhicule, conformément à l'accord de répartition.

(10) La centrale de réservation fournit aux transporteurs agréés qu'elle dessert un émetteur-récepteur destiné à être installé dans les taxis, sur la base d'un contrat de location conclu dans des conditions non discriminatoires.

Décision n° 178/2008

20 Dans la municipalité de Bucarest, les services de taxi sont réglementés par la Hotărârea Consiliului General al Municipiului București nr. 178/2008 privind aprobarea Regulamentului cadru, a Caietului de sarcini și a contractului de atribuire în gestiune delegată pentru organizarea și executarea serviciului public de transport local în regim de taxi (Décision no 178/2008 du Conseil général de la municipalité de Bucarest approuvant le règlement-cadre, les documents contractuels et la convention de concession pour la gestion déléguée de l'organisation et de la fourniture des services publics de transport local en taxi) du 21 avril 2008, modifiée par la décision no 626/2017 du conseil général du municipe de Bucarest du 19 décembre 2017 ("décision no 178/2008").

21 L'article 3, paragraphe 1, de l'annexe 1 de la décision n° 178/2008 prévoit :

Les termes et concepts utilisés et définis dans la loi n° 38/2003 ont la même signification dans le présent document et, aux fins du présent règlement-cadre, les définitions suivantes s'appliquent :

...

(i1) dispatching par tout autre moyen : activité exercée par une centrale de réservation agréée par l'autorité compétente pour recevoir les réservations des clients au moyen d'une application informatique ou les réservations effectuées sur le site web d'une centrale de réservation agréée et les transmettre aux chauffeurs de taxi par l'intermédiaire d'une radio bidirectionnelle.

(i2) Application informatique : logiciel installé et fonctionnant sur un appareil mobile ou fixe, appartenant exclusivement à la centrale de réservation agréée et portant son nom.

...'

22 L'article 21 de cette annexe est libellé comme suit :

(1) Dans le municipe de Bucarest, les services de dispatching sont obligatoires pour tous les taxis des transporteurs autorisés et ne peuvent être fournis que par des centres de réservation autorisés par l'autorité compétente d'autorisation du municipe de Bucarest, dans des conditions garantissant que les clients peuvent demander ces services par téléphone ou par d'autres moyens, y compris par des applications connectées à l'internet qui doivent porter le nom du centre de réservation figurant dans l'autorisation de dispatching délivrée par l'autorité compétente d'autorisation du municipe de Bucarest.

...

(31) Les services de répartition sont obligatoires pour tous les taxis des transporteurs autorisés qui exploitent un taxi dans la municipalité de Bucarest et ne peuvent être fournis que par des centres de réservation autorisés par l'autorité compétente de la municipalité de Bucarest, dans des conditions garantissant que les clients peuvent demander ces services par téléphone ou par d'autres moyens (applications informatiques, réservations effectuées sur le site web d'un centre de réservation) et les transmettre aux chauffeurs de taxi par l'intermédiaire d'une radio bidirectionnelle.

23 L'article 41, paragraphe 21, de cette annexe prévoit :

Dans l'exercice de l'activité de taxi, les chauffeurs de taxi sont tenus, entre autres, de s'abstenir d'utiliser des téléphones ou d'autres appareils mobiles lorsqu'ils fournissent le service de transport.

24 Le point 61 de l'article 59 de la même annexe prévoit :

Le non-respect des obligations prévues à l'article 21, paragraphe 31, qui s'appliquent à toutes les activités comparables, indépendamment de la manière et des circonstances dans lesquelles elles sont exercées, et qui font qu'un chauffeur non autorisé ou un transporteur de taxi autorisé est contacté pour transporter une personne ou un groupe de personnes dans la municipalité de Bucarest, est passible d'une amende de 4 500 à 5 000 [lei roumains (RON) (environ 925 euros et 1 025 euros)]".

Le litige au principal et les questions préjudicielles

25 Star Taxi App est une société de droit roumain, établie à Bucarest, qui exploite une application pour smartphone du même nom mettant en relation directe les utilisateurs de services de taxi avec les chauffeurs de taxi.

26 La juridiction de renvoi décrit le fonctionnement de l'application, qui peut être téléchargée gratuitement, comme suit.

27 Une personne souhaitant effectuer un trajet urbain effectue une recherche à l'aide de l'application et obtient une liste de chauffeurs de taxi disponibles présentant cinq ou six types de voitures à des tarifs différents. Le passager peut choisir un chauffeur dans la liste sur la base des commentaires et des évaluations fournis par les passagers précédents, et il a également la possibilité de ne pas procéder à la réservation. Toutefois, Star Taxi App ne transmet pas les réservations aux chauffeurs de taxi et ne fixe pas le prix de la course, qui est payé directement au chauffeur à la fin du trajet.

28 Star Taxi App fournit ce service en concluant des contrats directs de prestation de services avec des chauffeurs de taxi autorisés à assurer le transport par taxi à titre professionnel. Elle ne sélectionne pas ces chauffeurs. Les contrats ont pour objet de fournir aux chauffeurs une application informatique, dénommée "STAR TAXI - driver", un smartphone sur lequel l'application est installée et une carte SIM comprenant un volume limité de données, en échange d'un abonnement mensuel. Par ailleurs, Star Taxi App n'exerce aucun contrôle sur la qualité des véhicules ou de leurs chauffeurs, ni sur le comportement de ces derniers.

29 Le 19 décembre 2017, le Conseil général de la municipalité de Bucarest a adopté la décision n° 626/2017 sur la base de la loi n° 38/2003.

30 À cet égard, la juridiction de renvoi indique que cette décision a inséré les points i1) et i2) à l'article 3 de l'annexe 1 de la décision n° 178/2008, en élargissant la définition de l'activité de " dispatching " soumise à l'autorisation préalable prévue par la loi n° 38/2003 aux activités de même nature réalisées au moyen d'une application informatique. Par le biais d'une modification de l'article 21 de cette annexe, la décision n° 626/2017 a également rendu obligatoires les services de dispatching pour tous les taxis des transporteurs autorisés. Ainsi, ces services ne peuvent être fournis que par des centrales de réservation de taxis agréées par l'autorité compétente, dans des conditions garantissant que les clients puissent demander ces services par téléphone ou par d'autres moyens, y compris des applications connectées à l'internet. Celles-ci doivent porter le nom du centre de réservation figurant dans l'autorisation de dispatching accordée par l'autorité compétente. Enfin, cette même décision a inséré l'article 59, point 61, dans la décision n° 178/2008, prévoyant que le non-respect de ces obligations est désormais passible d'une amende comprise entre 4 500 et 5 000 RON (environ 925 et 1 025 EUR).

31 Star Taxi App s'est vu infliger une amende de 4 500 RON (environ 925 EUR) pour infraction à ces règles.

32 Estimant toutefois que son activité constituait un service de la société de l'information qui, en vertu de l'article 4 de la directive 2000/31, ne peut être soumis à une autorisation préalable ou à toute autre exigence d'effet équivalent, Star Taxi App a introduit un recours administratif préalable visant à l'abrogation de la décision n° 626/2017. Ce recours a été rejeté au motif que la réglementation en cause avait été rendue nécessaire par le nombre considérable de réservations effectuées auprès d'entités juridiques non autorisées et que cette réglementation ne portait pas atteinte à la libre prestation de services par voie électronique puisqu'elle encadrait un service d'intermédiation relatif au transport de personnes par taxi.

33 Star Taxi App a alors introduit un recours en annulation de la décision n° 626/2017 devant le Tribunalul București (tribunal régional, Bucarest, Roumanie).

34 La juridiction de renvoi relève que le service en cause dans la procédure dont elle est saisie diffère de celui en cause dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C-434/15, EU:C:2017 :981), dans laquelle, rappelle-t-elle, la Cour a jugé qu'un service d'intermédiation, dont l'objet était de mettre en relation, au moyen d'une application pour smartphone et contre rémunération, des chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule avec des personnes souhaitant effectuer des trajets urbains, devait être qualifié de " service dans le domaine des transports ", au sens de l'article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123, et sortait ainsi du champ d'application de la libre prestation des services en général, et plus particulièrement de celui des directives 2006/123 et 2000/31. Contrairement au prestataire de services en cause dans cette affaire, Star Taxi App ne sélectionne pas des chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule, mais conclut des contrats de prestation de services avec des chauffeurs autorisés à effectuer des transports en taxi à titre professionnel, sans déterminer le prix de la course ni le percevoir auprès du passager, qui le paie directement au chauffeur, ni exercer de contrôle sur la qualité des véhicules ou de leurs chauffeurs, ou sur le comportement de ces derniers.

35 Néanmoins, la juridiction de renvoi ne sait pas si le service fourni par Star Taxi App doit être qualifié de " service de la société de l'information " et, dans l'affirmative, si une réglementation soumettant la fourniture d'un tel service à une autorisation préalable est compatible avec la directive 2000/31 et doit être communiquée à la Commission avant son adoption, conformément à l'article 5 de la directive 2015/1535.

36 Dans ces conditions, le Tribunalul București (tribunal régional de Bucarest) a décidé de surseoir à statuer sur la procédure dont il est saisi et de poser à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes :

1) Les dispositions de l'article 1er , premier alinéa, point 2, de la directive 98/34 et de l'article 2, sous a), de la directive 2000/31, selon lesquelles un service de la société de l'information est un "service normalement fourni contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d'un destinataire de services", doivent-elles être interprétées en ce sens qu'une activité telle que celle exercée par Star Taxi App SRL (à savoir un service consistant à mettre en relation directe, via une application électronique, des passagers de taxis avec des chauffeurs de taxis) doit être considérée spécifiquement comme un service de la société de l'information et de l'économie collaborative ? via une application électronique, avec des chauffeurs de taxi) doit être considérée spécifiquement comme un service de la société de l'information et de l'économie collaborative [sachant que Star Taxi App SRL ne remplit pas les critères pour être une entreprise de transport considérés par la Cour de justice de l'Union européenne au point 39 de son arrêt [du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C-434/15, EU :C:2017:981)], en se référant à Uber) ?

(2) Dans l'hypothèse où [l'application exploitée par] Star Taxi App SRL doit être considérée comme un service de la société de l'information, les dispositions de l'article 4 de la directive [2000/31], des articles 9, 10 et 16 de la directive [2006/123] et de l'article 56 TFUE impliquent-elles l'application du principe de la libre prestation des services à l'activité exercée par Star Taxi App SRL ? En cas de réponse affirmative à cette question, ces dispositions s'opposent-elles à des règles telles que celles figurant [à l'article 3, à l'article 21, paragraphes 1 et 31, à l'article 41, paragraphe 21, et à l'article 59, point 61, de l'annexe I de la décision no 178/2008] ?

(3) Dans l'hypothèse où la directive [2000/31] s'applique au service fourni par Star Taxi App SRL, les restrictions imposées par un État membre à la libre prestation des services de la société de l'information, qui subordonnent la prestation de ces services à la possession d'une autorisation ou d'une licence, sont-elles des mesures [pouvant déroger à l'article 3, paragraphe 2, de la directive, en vertu de l'article 3, paragraphe 4, de celle-ci] ?

(4) Les dispositions de l'article 5 de la directive [2015/1535] s'opposent-elles à l'adoption, sans notification préalable à la [...] Commission, de règlements tels que [ceux prévus à l'article 3, à l'article 21, paragraphes 1 et 31, à l'article 41, paragraphe 21, et à l'article 59, point 61, de l'annexe I de la décision n° 178/2008] ?

Procédure devant la Cour

37 Ayant décidé de statuer sans audience en raison des risques sanitaires liés à la pandémie de coronavirus, la Cour a adressé aux parties intéressées visées à l'article 23 du statut de la Cour de justice de l'Union européenne un certain nombre de questions auxquelles elles devaient répondre par écrit. Des réponses ont été reçues de Star Taxi App et de la Commission.

Les questions

La première question

38 À titre liminaire, il convient de relever, tout d'abord, que la juridiction de renvoi se réfère, dans la première question, à l'article 1er, premier alinéa, point 2, de la directive 98/34. Or, cette directive a été abrogée et remplacée, avant l'adoption de la décision n° 626/2017, par la directive 2015/1535. L'article 10, deuxième alinéa, de cette dernière directive prévoit que les références à la directive 98/34 s'entendent comme faites à la directive 2015/1535. Par conséquent, aux fins de la présente question, il convient de se référer à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de cette dernière directive.

39 En second lieu, la juridiction de renvoi se limite, dans sa question, à indiquer que l'activité en cause au principal est un service qui consiste à mettre en relation directe, par le biais d'une application électronique, des passagers de taxis avec des chauffeurs de taxis, mais qui, néanmoins, ne répond pas aux critères identifiés par la Cour au point 39 de l'arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C-434/15, EU:C:2017:981).

40 Toutefois, ainsi qu'il ressort des points 26 à 28 et 34 du présent arrêt, la Cour donne plus de précisions quant à l'organisation de l'activité en cause dans la décision de renvoi. En effet, il s'agit, dans l'affaire au principal, d'un service d'intermédiation, fourni au moyen d'une application pour smartphone, mettant en relation des personnes souhaitant prendre un taxi avec des chauffeurs de taxi agréés. Elle précise également que les chauffeurs doivent payer un abonnement mensuel pour l'utilisation de l'application, mais que le prestataire de services ne leur transmet pas directement les réservations, ne détermine pas le prix de la course et n'agit pas en tant qu'intermédiaire pour le paiement. Cette information doit donc être pleinement prise en compte pour répondre à la première question.

41 Partant, la première question doit être comprise comme demandant, en substance, si l'article 2, sous a), de la directive 2000/31, qui renvoie à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, doit être interprété en ce sens qu'un service d'intermédiation qui consiste à mettre en relation, au moyen d'une application pour smartphone et contre rémunération, des personnes souhaitant effectuer des courses urbaines avec des chauffeurs de taxi agréés, aux fins desquels le prestataire de services a conclu des contrats de prestation de services avec ces chauffeurs, doit être interprété en ce sens qu'il ne doit pas être considéré comme un service d'intermédiation qui consiste à mettre en relation des personnes souhaitant effectuer des courses urbaines avec des chauffeurs de taxi agréés, en contrepartie du paiement d'un abonnement mensuel, mais ne leur transmet pas les réservations, ne détermine pas le prix de la course et ne le perçoit pas auprès des passagers, qui le paient directement au chauffeur de taxi, et n'exerce aucun contrôle sur la qualité des véhicules et de leurs chauffeurs, ni sur le comportement de ces derniers, constitue un "service de la société de l'information" au sens de ces dispositions.

42 Aux termes de l'article 1er , paragraphe 1, point b), de la directive 2015/1535, un "service de la société de l'information" est "tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique et à la demande individuelle d'un destinataire de services".

43 Il convient de constater - ce qui n'est contesté par aucune des parties ni par aucun des autres intéressés impliqués dans la présente procédure - que l'activité d'intermédiation en cause au principal relève de la notion de "service" au sens des articles 56 et 57 du traité FUE.

44 Par ailleurs, il est clair, d'une part, qu'un tel service d'intermédiation satisfait à la première condition prévue à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, à savoir qu'il est fourni contre rémunération (voir, par analogie, arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland, C-390/18, EU:C:2019:1112, point 46).

45 À cet égard, il importe peu qu'un tel service soit fourni gratuitement à la personne souhaitant effectuer ou effectuant un déplacement urbain, s'il donne lieu à la conclusion d'un contrat de prestation de services entre le prestataire de services et le chauffeur de taxi individuel agréé, en vertu duquel ce dernier paie un abonnement mensuel. Il est de jurisprudence constante que la rémunération d'un service fourni par un prestataire de services dans le cadre de son activité économique n'exige pas que ce service soit payé par l'ensemble des personnes pour lesquelles il est exécuté (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 2016, Mc Fadden, C-484/14, EU:C:2016:689, point 41, et du 4 mai 2017, Vanderborght, C-339/15, EU:C:2017:335, point 36).

46 Ensuite, dans la mesure où la personne souhaitant effectuer un déplacement urbain et un chauffeur de taxi agréé sont mis en relation au moyen d'une plateforme électronique, sans que le prestataire de services d'intermédiation, d'une part, et le passager ou le chauffeur envisagé, d'autre part, soient présents au même moment, ce service doit être considéré comme étant fourni par voie électronique et à distance (voir, par analogie, arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland, C-390/18, EU :C:2019:1112, point 47), aux fins des deuxième et troisième conditions prévues à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535.

47 Enfin, un service tel que celui en cause au principal est fourni à la demande individuelle des destinataires du service, au sens de la quatrième condition prévue à cette disposition, dès lors qu'il implique, simultanément, une demande effectuée au moyen de l'application logicielle Star Taxi, par la personne souhaitant effectuer un trajet urbain, et une connexion à cette application par le chauffeur de taxi agréé, indiquant qu'il est disponible.

48 Un tel service remplit donc les quatre conditions cumulatives prévues à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535 et constitue donc, en principe, un "service de la société de l'information" au sens de la directive 2000/31.

49 Toutefois, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour, si un service d'intermédiation qui remplit l'ensemble de ces conditions constitue, en principe, un service distinct du service ultérieur auquel il se rapporte, en l'occurrence un service de transport, et doit donc être qualifié de " service de la société de l'information ", tel ne saurait être le cas s'il apparaît que ce service d'intermédiation fait partie intégrante d'un service global dont l'élément principal est un service relevant d'une autre qualification juridique (arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland, C-390/18, EU :C:2019:1112, point 50 et jurisprudence citée).

50 À cet égard, la Cour a jugé que, lorsque le prestataire d'un service d'intermédiation offre des services de transport urbain qu'il rend accessibles, notamment, au moyen d'outils logiciels, et dont il organise le fonctionnement général au profit des personnes qui souhaitent accepter cette offre, le service d'intermédiation fourni doit être considéré comme faisant partie intégrante d'un service global dont l'élément principal est un service de transport et, partant, doit être qualifié non pas de " service de la société de l'information ", au sens de l'article 2, sous a), de la directive 2000/31, qui renvoie à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, mais de " service dans le domaine des transports ", au sens de l'article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123, auquel la directive 2000/31, la directive 2006/123 et l'article 56 TFUE sont inapplicables [arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi, C-434/15, EU :C:2017:981, points 38 à 44).

51 Or, compte tenu de ses caractéristiques, un service d'intermédiation tel que celui en cause au principal ne saurait être qualifié de "service dans le domaine des transports", contrairement à ce que soutient la municipalité de Bucarest.

52 En premier lieu, il ressort de la décision de renvoi que, contrairement au service d'intermédiation en cause dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C-434/15, EU:C:2017 :981), qui offrait et rendait accessibles des services de transport urbain exploités par des chauffeurs non professionnels auparavant absents du marché, le service en cause au principal se limite, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 49 de ses conclusions, à mettre en relation des personnes souhaitant effectuer des trajets urbains avec les seuls chauffeurs de taxi agréés exerçant déjà cette activité et pour lesquels le service d'intermédiation n'est qu'un moyen parmi d'autres d'acquérir des clients, et non pas, en outre, un moyen auquel ils sont en aucune manière obligés de recourir.

53 D'autre part, un tel service d'intermédiation ne peut être considéré comme organisant le fonctionnement général du service de transport urbain fourni par la suite, puisque le prestataire de services ne choisit pas les chauffeurs de taxi, ni ne détermine ou ne reçoit le prix de la course, ni n'exerce de contrôle sur la qualité des véhicules et de leurs chauffeurs ou sur le comportement de ces derniers.

54 Il s'ensuit qu'un service d'intermédiation tel que celui fourni par Star Taxi App ne saurait être considéré comme faisant partie intégrante d'un service global dont l'élément principal est un service de transport et doit, par conséquent, être qualifié de "service de la société de l'information" au sens de l'article 2, sous a), de la directive 2000/31.

55 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l'article 2, sous a), de la directive 2000/31, qui renvoie à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, doit être interprété en ce sens qu'un service d'intermédiation qui consiste à mettre en relation, au moyen d'une application pour smartphone et moyennant rémunération, des personnes souhaitant effectuer des courses urbaines avec des chauffeurs de taxi agréés, aux fins desquels le prestataire de services a conclu des contrats de prestation de services avec ces chauffeurs, ne peut être considéré comme un service d'intermédiation, en contrepartie du paiement d'un abonnement mensuel, mais ne leur transmet pas les réservations, ne détermine pas le prix de la course et ne le perçoit pas auprès des passagers, qui le paient directement au chauffeur de taxi, et n'exerce aucun contrôle sur la qualité des véhicules ou de leurs chauffeurs, ni sur le comportement de ces derniers, constitue un "service de la société de l'information" au sens de ces dispositions.

La quatrième question

56 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande si l'article 5, paragraphe 1, de la directive 2015/1535 s'oppose à l'adoption, sans notification préalable à la Commission, de règlements tels que ceux en cause au principal, en l'occurrence ceux figurant aux articles 3, 21, paragraphes 1 et 31, 41, paragraphe 21, et 59, point 61, de l'annexe I de la décision n° 178/2008.

57 Il convient de relever que l'article 5, paragraphe 1, de la directive 2015/1535 prévoit que, en principe, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de " règle technique ", au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sous f), de cette directive et que, conformément à une jurisprudence constante, le non-respect par un État membre de son obligation de communiquer préalablement un tel projet de règle rend cette " règle technique " inopposable aux particuliers (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 1996, CIA Security International, C-194/94, EU:C:1996:172, points 49 et 50) :C:1996:172, points 49 et 50), que ce soit dans le cadre d'une procédure pénale (voir, notamment, arrêt du 4 février 2016, Ince, C-336/14, EU:C:2016:72, point 84), ou dans le cadre d'une procédure entre particuliers (voir, notamment, arrêt du 27 octobre 2016, James Elliott Construction, C-613/14, EU:C:2016:821, point 64 et jurisprudence citée).

58 Ainsi, l'obligation de communiquer le projet à l'avance ne s'applique que lorsqu'il s'agit d'une règle technique au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sous f), de cette directive.

59 Ainsi, par sa quatrième question, la juridiction de renvoi doit être considérée comme demandant, en substance, si l'article 1er, paragraphe 1, sous f), de la directive 2015/1535 doit être interprété en ce sens qu'une réglementation d'une collectivité locale qui subordonne la fourniture d'un service d'intermédiation, dont l'objet est de mettre en relation, au moyen d'une application pour smartphone et en échange d'une rémunération, des personnes souhaitant effectuer des trajets urbains avec des chauffeurs de taxi agréés, [...] et qui est qualifié de " service de la société de l'information ", au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, sous réserve de l'obtention d'une autorisation préalable, déjà applicable à d'autres prestataires de services de réservation de taxis, constitue une " règle technique ", au sens de cette disposition, et, dans l'affirmative, si l'article 5, paragraphe 1, de la directive 2015/1535 doit être interprété en ce sens que l'absence de communication préalable du projet de cette législation à la Commission rend cette réglementation inapplicable.

60 Quant à la qualification de ces réglementations, il ressort de l'article 1er, paragraphe 1, sous f), premier alinéa, de la directive 2015/1535 qu'on entend par "règle technique" les "spécifications techniques et autres exigences ou règles relatives aux services, y compris les dispositions administratives qui s'y rapportent, dont l'observation est obligatoire, de jure ou de facto, en cas de mise sur le marché, de commercialisation, de prestation de services, d'établissement d'un opérateur de services ou d'utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de celui-ci, ainsi que les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres, à l'exception de celles prévues à l'article 7, interdisant la fabrication, l'importation, la commercialisation ou l'utilisation d'un produit ou interdisant de fournir ou d'utiliser un service ou de s'établir en tant que prestataire de services".

61 Il s'ensuit que, pour qu'une législation nationale affectant un service de la société de l'information soit qualifiée de "règle technique", elle doit non seulement être qualifiée de "règle relative aux services", telle que définie à l'article 1er, paragraphe 1, sous e), de la directive 2015/1535, mais également être obligatoire, de jure ou de facto, dans le cas, notamment, de la fourniture du service en cause ou de son utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État.

62 L'article 1er , paragraphe 1, sous e), premier alinéa, de cette directive définit une "règle relative aux services" comme "une exigence de nature générale concernant l'accès aux activités [relatives aux services de la société de l'information] et leur exercice, notamment les dispositions concernant le prestataire, les services et le destinataire des services, à l'exclusion de toute règle qui ne vise pas spécifiquement les [services de la société de l'information]".

63 Le deuxième alinéa de cette disposition précise que, aux fins de cette définition, "une règle est considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l'information lorsque, eu égard à sa motivation et à son dispositif, l'ensemble ou certaines de ses dispositions particulières ont spécifiquement pour objet et pour but de réglementer ces services de manière explicite et ciblée". Il ajoute également qu'"une règle n'est pas considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l'information si elle n'affecte ces services que de manière implicite ou incidente".

64 En l'occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la réglementation roumaine en cause au principal, qu'il s'agisse de la loi n° 38/2003 ou de la décision n° 178/2008, ne fait aucunement référence aux services de la société de l'information. En outre, les articles 3, 21, paragraphes 1 et 31, et 41, paragraphe 21, de l'annexe I de la décision n° 178/2008 visent indistinctement tous les types de services de dispatching, qu'ils soient fournis par téléphone ou par tout autre moyen, tel qu'une application logicielle.

65 En outre, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 108 de ses conclusions, la loi n° 38/2003 impose aux prestataires de services de dispatching fonctionnant au moyen d'une application pour smartphone, comme à tous les autres prestataires de services de dispatching, de posséder des équipements, en l'occurrence des émetteurs-récepteurs, qui, compte tenu de la technologie utilisée pour fournir le service, n'ont pas d'utilité.

66 Ainsi, dès lors qu'elle ne vise pas spécifiquement les services de la société de l'information, une réglementation telle que celle en cause au principal n'affecte ces services que de manière implicite ou incidente. Une telle réglementation ne saurait, dès lors, être considérée comme une "règle relative aux services", au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sous e), de la directive 2015/1535, ni, par conséquent, comme une "règle technique", au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sous f), de cette directive.

67 Il s'ensuit que l'obligation de communiquer préalablement à la Commission les projets de "règles techniques", prévue à l'article 5, paragraphe 1, de la directive 2015/1535, ne s'applique pas à de telles règles et, partant, que l'absence de communication d'un projet de cette nature ne saurait, en vertu de cette disposition, avoir de conséquences quant au caractère exécutoire des règles envisagées dans une affaire telle que celle en cause au principal.

68 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la quatrième question que l'article 1er, paragraphe 1, sous f), de la directive 2015/1535 doit être interprété en ce sens qu'une réglementation d'une collectivité locale qui soumet à l'obtention d'une autorisation préalable la fourniture d'un service d'intermédiation, dont l'objet est de mettre en relation, au moyen d'une application pour smartphone et en échange d'une rémunération, des personnes souhaitant effectuer des trajets urbains, avec des chauffeurs de taxi agréés, et qui est qualifiée de "service de la société de l'information", au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, sous réserve de l'obtention d'une autorisation préalable, laquelle est déjà applicable aux autres prestataires de services de réservation de taxis, ne constitue pas une "règle technique" au sens de l'ancienne disposition.

Les deuxième et troisième questions

69 Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3, paragraphes 2 et 4, et 4 de la directive 2000/31, 9, 10 et 16 de la directive 2006/123 ainsi que 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un État membre qui rend obligatoire la fourniture d'un service d'intermédiation ayant pour objet de mettre en relation, au moyen d'une application pour smartphone et en échange d'une rémunération, des personnes souhaitant effectuer des trajets urbains, avec des chauffeurs de taxi agréés, et qui est qualifié de " service de la société de l'information " au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, visé à l'article 2, sous a), de la directive 2000/31, à l'obtention d'une autorisation préalable, laquelle est déjà applicable aux autres prestataires de services de réservation de taxis, une telle autorisation étant notamment subordonnée à la communication des réservations aux chauffeurs par voie hertzienne bidirectionnelle.

70 À titre liminaire, il convient de relever que le litige au principal oppose Star Taxi App, société de droit roumain établie en Roumanie, à deux autorités publiques roumaines, à savoir la municipalité de Bucarest et le conseil général de la municipalité de Bucarest, et que, par conséquent, le litige est circonscrit à tous égards sur le territoire roumain.

71 Il est de jurisprudence constante que les dispositions du traité UE relatives à la libre prestation des services ne s'appliquent pas à une situation qui est circonscrite à tous égards à l'intérieur d'un seul État membre (arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten, C-268/15. EU:C:2016:874, point 47 et jurisprudence citée).

72 Il ressort également du libellé de l'article 3, paragraphe 2, de la directive 2000/31 que cette disposition ne s'applique qu'aux services de la société de l'information provenant d'un autre État membre, l'article 3, paragraphe 4, prévoyant, sous réserve des conditions qu'il énonce, la possibilité pour les États membres de prendre des mesures dérogeant à cette disposition.

73 Il en va de même de l'article 16 de la directive 2006/123, qui figure au chapitre IV de celle-ci, relatif à la libre circulation des services, et qui ne s'applique qu'aux services fournis dans un État membre autre que celui dans lequel le prestataire est établi, contrairement aux dispositions du chapitre III de cette directive, relatif à la liberté d'établissement des prestataires, à savoir les articles 9 à 15 de celle-ci, qui s'appliquent également à une situation dans laquelle tous les éléments pertinents sont confinés dans un seul État membre (arrêt du 22 septembre 2020, Cali Apartments et HX, C-724/18 et C-727/18, EU :C:2020:743, point 56 et jurisprudence citée).

74 Par conséquent, l'article 56 TFUE, l'article 3, paragraphes 2 et 4, de la directive 2000/31 et l'article 16 de la directive 2006/123 ne sont pas applicables à un litige tel que celui en cause au principal.

75 S'agissant des autres dispositions visées par la juridiction de renvoi, à savoir l'article 4 de la directive 2000/31, dont ni le libellé ni le contexte n'indiquent qu'il ne s'appliquerait qu'aux prestataires de services d'information établis dans un autre État membre (voir, par analogie, arrêt du 30 janvier 2018, X et Visser, C-360/15 et C-31/16, EU :C:2018:44, points 99 et 100), ainsi que les articles 9 et 10 de la directive 2006/123, qui, ainsi qu'il a été relevé au point 73 ci-dessus, s'appliquent également à des situations purement internes, force est de constater que, de manière différente, ils posent un principe d'interdiction des régimes d'autorisation. Dans ces conditions, il convient de déterminer laquelle de ces dispositions peut être applicable à une réglementation telle que celle en cause au principal.

76 Ainsi qu'il ressort des points 43 et 48 ci-dessus, le service d'intermédiation en cause au principal est non seulement un "service" au sens de l'article 57 TFUE, et donc de l'article 4, paragraphe 1, de la directive 2006/123, mais également un "service de la société de l'information" au sens de l'article 2, sous a), de la directive 2000/31, qui renvoie à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535.

77 La réglementation d'un État membre qui régit un tel service peut donc relever du champ d'application de la directive 2000/31, ainsi que de celui de la directive 2006/123, pour autant qu'il résulte des points 49 et 54 ci-dessus que ce service n'est pas un "service dans le domaine des transports", expressément exclu du champ d'application de la directive 2006/123 par l'article 2, paragraphe 2, sous d), lu à la lumière du vingt et unième considérant de celle-ci.

78 Toutefois, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, de la directive 2006/123, celle-ci ne s'applique pas si ses dispositions sont contraires à une disposition d'un autre acte de l'Union régissant des aspects spécifiques de l'accès à une activité de service ou de son exercice dans des secteurs ou pour des professions déterminés (arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland, C-390/18, EU:C:2019:1112, point 41).

79 Il importe donc de déterminer si une réglementation qui subordonne la fourniture d'un service d'intermédiation, dont l'objet est de mettre en relation, au moyen d'une application pour smartphone et contre rémunération, des personnes souhaitant effectuer des trajets urbains avec des chauffeurs de taxi agréés, et qui est qualifié de "service de la société de l'information", au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, peut être considérée comme un "service de la société de l'information", qui est visé à l'article 2, sous a), de la directive 2000/31, sous réserve de l'obtention d'une autorisation préalable, déjà applicable aux autres prestataires de services de réservation de taxis, cette autorisation étant notamment subordonnée à la communication des réservations aux chauffeurs par radio bidirectionnelle, relèvent du champ d'application de l'article 4 de la directive 2000/31 et, dans l'affirmative, si cette dernière disposition est contraire aux articles 9 et 10 de la directive 2006/123.

80 S'agissant de l'applicabilité de l'article 4 de la directive 2000/31, il ressort de la lecture combinée des paragraphes 1 et 2 de cet article que, si les États membres ne peuvent pas soumettre l'accès à l'activité d'un prestataire de services de la société de l'information et son exercice à une autorisation préalable ou à toute autre exigence ayant un effet équivalent, l'interdiction contenue dans cette disposition ne concerne toutefois que les réglementations des États membres qui visent spécifiquement et exclusivement les "services de la société de l'information".

81 Il ressort de la décision de renvoi que, s'il est incontestable que la décision n° 626/2017 porte, à titre principal, voire exclusif, sur des services d'intermédiation ayant pour objet de mettre en relation, au moyen d'une application pour smartphone et contre rémunération, des personnes souhaitant effectuer des trajets urbains avec des chauffeurs de taxi agréés, elle ne fait rien de plus, en élargissant le champ d'application du terme "dispatching", tel que défini à l'article 3 de l'annexe 1 de la décision n° 178/2008, afin d'englober ce type de service, que d'étendre à ce service de la société de l'information une exigence préexistante d'autorisation préalable applicable aux activités des centrales de réservation de taxis, activités qui ne relèvent pas de la qualification de "services de la société de l'information".

82 Ainsi, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 69 de ses conclusions, une telle réglementation, qui, selon la juridiction de renvoi, a pour effet d'imposer à Star Taxi App d'obtenir une autorisation préalable à l'exercice de son activité de la part de l'autorité compétente, n'équivaut pas à la création d'un nouveau régime d'autorisation préalable visant spécifiquement et exclusivement un service de la société de l'information.

83 Il s'ensuit que l'interdiction de toute autorisation préalable ou autre exigence d'effet équivalent, prévue à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 2000/31, ne s'applique pas à des réglementations telles que celles en cause au principal.

84 Par conséquent, il n'y a pas de possibilité de conflit entre cette disposition et les articles 9 et 10 de la directive 2006/123, qui sont donc applicables à de telles réglementations.

85 Il convient donc de déterminer si ces articles doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une telle réglementation.

86 À cet égard, il ressort de la section 1 du chapitre III de la directive 2006/123 que la conformité d'un régime national d'autorisation aux exigences posées par cette directive suppose, notamment, qu'un tel régime, qui, par sa nature même, restreint la libre prestation du service concerné, satisfasse aux conditions énoncées à l'article 9, paragraphe 1, de celle-ci, à savoir qu'il soit non discriminatoire, justifié par une raison impérieuse d'intérêt général et proportionné, et proportionné, mais également que les critères d'octroi des autorisations prévues par ce régime sont conformes à l'article 10, paragraphe 2, de ladite directive, à savoir qu'ils sont non discriminatoires, justifiés par une raison impérieuse d'intérêt général, proportionnés à cet objectif d'intérêt général, clairs et non ambigus, objectifs, rendus publics à l'avance, transparents et accessibles (arrêt du 22 septembre 2020, Cali Apartments et HX, C-724/18 et C-727/18, EU :C:2020:743, point 57).

87 Il s'ensuit que l'appréciation de la conformité d'une réglementation d'un État membre instituant un tel régime d'autorisation avec les deux articles précités, qui prévoient des obligations claires, précises et inconditionnelles leur conférant un effet direct, suppose que soient appréciés séparément et consécutivement, d'une part, le principe même de l'institution de ce régime et, d'autre part, les critères d'octroi des autorisations prévues par ce régime (arrêt du 22 septembre 2020, Cali Apartments et HX, C-724/18 et C-727/18, EU :C:2020:743, point 58).

88 À cet égard, force est de constater que la décision de renvoi ne fournit que peu d'éléments susceptibles de permettre à la Cour de fournir une réponse utile à la juridiction de renvoi.

89 Il appartiendra donc à cette juridiction d'apprécier, en tenant compte de tous les éléments pertinents, si le régime d'autorisation préalable institué par la réglementation en cause au principal répond effectivement aux deux séries d'exigences visées aux points 86 et 87 ci-dessus (voir, par analogie, arrêt du 22 septembre 2020, Cali Apartments et HX, C-724/18 et C-727/18, EU:C:2020:743, point 78).

90 S'agissant toutefois de l'appréciation du caractère justifié des critères régissant l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités compétentes, il convient de relever, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général aux points 99 et 100 de ses conclusions, que le fait de subordonner l'octroi d'une autorisation de fournir un service au respect d'exigences techniques inadaptées au service en cause, et qui engendrent donc des charges et des coûts injustifiés pour les prestataires de ce service, ne saurait être conforme à l'article 10, paragraphe 2, de la directive 2006/123.

91 En particulier, tel pourrait être le cas, ce qu'il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier, d'une obligation imposée aux prestataires d'un service d'intermédiation, dont l'objet est de mettre en relation, au moyen d'une application pour smartphone et contre rémunération, des personnes souhaitant effectuer des trajets urbains avec des chauffeurs de taxi agréés, afin de communiquer aux chauffeurs des réservations par l'intermédiaire d'une radio bidirectionnelle.

92 Non seulement une telle obligation, qui requiert tant du prestataire de services d'intermédiation que des chauffeurs de taxi qu'ils possèdent un tel équipement radio, tout en exigeant du prestataire de services d'intermédiation qu'il dispose d'un personnel spécifique pour communiquer les réservations aux chauffeurs, n'est pas utile, mais elle est également sans rapport avec les caractéristiques d'un service qui repose entièrement sur les capacités techniques des smartphones qui permettent, sans intervention humaine directe, de déterminer la localisation des chauffeurs de taxi et de leurs clients potentiels, et de les mettre en relation de manière automatique.

93 À la lumière de ce qui précède, il convient de répondre comme suit aux deuxième et troisième questions :

- L'article 56 TFUE, l'article 3, paragraphes 2 et 4, de la directive 2000/31 et l'article 16 de la directive 2006/123 doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'appliquent pas à un litige dont tous les éléments pertinents sont limités à un seul État membre.

- L'article 4 de la directive 2000/31 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas à la réglementation d'un État membre qui subordonne à l'obtention d'une autorisation préalable, déjà applicable aux autres prestataires de services de réservation de taxis, la fourniture d'un service d'intermédiation ayant pour objet de mettre en relation, au moyen d'une application pour smartphone et contre rémunération, des personnes souhaitant effectuer des trajets urbains avec des chauffeurs de taxis agréés, et qui est qualifié de "service de la société de l'information" au sens de l'article 2, sous a), de la directive 2000/31, qui renvoie à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535.

- Les articles 9 et 10 de la directive 2006/123 doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un État membre qui subordonne la fourniture d'un service d'intermédiation, ayant pour objet de mettre en relation, au moyen d'une application pour smartphone et contre rémunération, des personnes souhaitant effectuer des trajets urbains avec des chauffeurs de taxi agréés, sous réserve de l'obtention d'une autorisation préalable d'exercer leur activité, lorsque les conditions d'obtention de l'autorisation ne répondent pas aux exigences prévues auxdits articles, en ce qu'elles imposent, notamment, des exigences techniques inadaptées au service en cause, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Coûts

94 La présente procédure constituant, pour les parties au principal, une étape dans l'action pendante devant la juridiction de renvoi, la décision sur les dépens relève de la compétence de cette juridiction. Les frais exposés pour présenter des observations à la Cour, autres que les frais de ces parties, ne sont pas récupérables.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) statue :

  1. Article 2, point a), de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ("directive sur le commerce électronique"), qui renvoie à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, doit être interprété en ce sens qu'un service d'intermédiation qui consiste à mettre en relation des personnes souhaitant effectuer des déplacements urbains, au moyen d'une application pour smartphone et contre rémunération, avec des chauffeurs de taxi agréés, aux fins desquels le prestataire a conclu des contrats de prestation de services avec ces chauffeurs, moyennant le paiement d'un abonnement mensuel, mais qui ne leur transmet pas les réservations, ne détermine pas le prix de la course et ne le perçoit pas auprès des passagers, qui le paient directement au chauffeur de taxi, et n'exerce aucun contrôle sur la qualité des véhicules ou de leurs chauffeurs, ni sur le comportement de ces derniers, constitue un "service de la société de l'information" au sens de ces dispositions.
  2. L'article 1er, paragraphe 1, sous f), de la directive 2015/1535 doit être interprété en ce sens qu'une réglementation communale qui subordonne la fourniture d'un service d'intermédiation, dont l'objet est de mettre en relation, au moyen d'une application pour smartphone et contre rémunération, des personnes souhaitant effectuer des trajets urbains avec des chauffeurs de taxi agréés, et qui est qualifié de "service de la société de l'information" au sens de l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535, sous réserve de l'obtention d'une autorisation préalable, déjà applicable aux autres prestataires de services de réservation de taxis, ne constitue pas une "règle technique" au sens de l'ancienne disposition.
  3. L'article 56 TFUE, l'article 3, paragraphes 2 et 4, de la directive 2000/31, ainsi que l'article 16 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'appliquent pas à un litige dont tous les éléments pertinents sont circonscrits à un seul État membre.

L'article 4 de la directive 2000/31 doit être interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas à la réglementation d'un État membre qui subordonne à l'obtention d'une autorisation préalable, déjà applicable aux autres prestataires de services de réservation de taxis, la fourniture d'un service d'intermédiation ayant pour objet de mettre en relation, au moyen d'une application pour smartphone et contre rémunération, des personnes souhaitant effectuer des trajets urbains avec des chauffeurs de taxis agréés, et qui est qualifié de "service de la société de l'information" au sens de l'article 2, sous a), de la directive 2000/31, qui renvoie à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2015/1535.

Les articles 9 et 10 de la directive 2006/123 doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un État membre qui subordonne la fourniture d'un service d'intermédiation, ayant pour objet de mettre en relation, au moyen d'une application pour smartphone et contre rémunération, des personnes souhaitant effectuer des trajets urbains avec des chauffeurs de taxi agréés, sous réserve de l'obtention d'une autorisation préalable d'exercer leur activité, lorsque les conditions d'obtention de l'autorisation ne répondent pas aux exigences prévues auxdits articles, en ce qu'elles imposent, notamment, des exigences techniques inadaptées au service en cause, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.